aussi complète que celle que je vous offre à cette heure? Si vous me tuez, quel profit en tirerez-vous? Vous aurez toujours à craindre mes parents et mes amis; tandis que, si vous m'épargnez, vous quitterez avec gloire et honneur le champ de bataille, vous paraîtrez à tous de grand cœur et de grand sens; car il n'y a rien de si grand que le pardon. Vous ne trouverez pas de sitôt une pareille circonstance, profitez-en! Au reste, il m'est à présent tout à fait indifférent de vivre ou de mourir.
— Perfide renard, répondit le loup, comme tu aimerais à en être quitte! Mais, quand toute la terre serait d'or et que tu me l'offrirais pour rançon, je ne te lâcherais pas. Tu m'as fait tant de fois de faux serments, parjure que tu es! à coup sûr, si je te laissais aller, tu ne me donnerais pas même des coquilles d'œuf. J'estime peu ta famille, je l'attends de pied ferme et j'espère supporter sa haine sans trop de peine. Toi qui n'as de plaisir qu'au mal d'autrui, quelles ne seraient pas tes railleries, si je te délivrais sur tes belles promesses. Qui ne te connaîtrait pas serait trompé. Tu m'as épargné aujourd'hui, dis-tu, effronté coquin? et n'ai-je pas perdu un œil? scélérat, ne m'as-tu pas déchiré la peau en vingt endroits? et m'as-tu laissé respirer seulement lorsque tu as eu l'avantage? Je serais bien fou d'être pour toi clément et miséricordieux pour tout le mal et l'opprobre dont tu m'as couvert. Traître! tu as déshonoré et ruiné ma femme et moi; cela te coûtera la vie.»
C'est ainsi que parla le loup. Pendant ce temps-là, son fripon d'adversaire avait passé son autre patte entre les cuisses du loup. Il le saisit par les parties sensibles et se mit à les tirer et à les tordre d'une façon cruelle, je n'en dis pas davantage. Le loup se mit à crier et à hurler d'une façon lamentable en ouvrant la gueule. Reineke retira bien vite sa patte du milieu de ses dents et empoigna le loup à deux mains, en tirant et pinçant de plus en plus fort; le loup hurla avec tant de violence, qu'il cracha