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les reliques sur lesquelles les deux combattants attestèrent la vérité de leur cause. Isengrin jura avec véhémence et la menace dans les yeux que Reineke était un traître, un voleur, un assassin souillé de tous les crimes, convaincu de violence et d'adultère, faux en tout point; qu'il le soutenait au péril de sa vie. Reineke jura, en revanche, qu'il n'était pas coupable de tous ces crimes, qu'Isengrin mentait comme toujours, se parjurait comme d'habitude, mais qu'il n'avait jamais pu faire de ses mensonges une vérité et qu'il y parviendrait encore moins dans ce jour.

Les maîtres du camp s'écrièrent: «Que chacun fasse son devoir! le bon droit va se montrer.» Petits et grands quittèrent la lice pour qu'on pût y enfermer les deux combattants. La guenon se mit à dire tout bas et vite à Reineke: «Rappelez-vous ce que je vous ai dit; n'oubliez pas de suivre mon conseil!»

Reineke lui répondit gaiement: «Votre bonne exhortation redouble mon courage. Soyez tranquille; je n'oublierai pas en ce jour l'audace et la ruse qui m'ont tiré de tant de périls où je me suis trouvé si souvent, alors que je risquais si témérairement ma vie. Comment ne me conduirais-je pas de même, maintenant que je suis vis-à-vis de ce scélérat? J'espère bien le confondre, lui et toute sa race, et faire honneur aux miens. Qu'il mente tant qu'il voudra, je m'en vais l'asperger d'importance.» En ce moment, on les laissa tous les deux seuls dans la lice et tout le monde regarda avidement.

Isengrin, d'un air sauvage et furieux, étendit ses pattes et s'avança la gueule ouverte, en faisant des bonds énormes. Reineke, plus léger, évita le choc de son adversaire et inonda bien vite son