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ce qui devait leur arriver à tous les deux; car je les aimais tendrement.»

C'est ainsi que Reineke apprêtait avec art ses discours et ses récits. Tout le monde y croyait; il avait décrit les bijoux avec tant de grâce, son attitude était si grave, qu'il parut dire la vérité; on alla même jusqu'à vouloir le consoler. Il trompa ainsi le roi, à qui ces joyaux plaisaient; il aurait bien voulu les posséder: «Allez en paix, dit-il à Reineke; voyagez et cherchez au loin à retrouver ce que nous avons perdu. Faites tout ce qui est en votre pouvoir; si vous avez besoin de mon secours, il est à votre service.

— C'est avec gratitude, répondit Reineke, que je reconnais cette grâce; ces paroles me relèvent et me rendent l'espoir. Le châtiment du crime est votre plus haute prérogative. L'affaire me paraît obscure; mais la lumière se fera. Je vais m'en occuper avec le plus grand zèle, voyager nuit et jour et interroger tout le monde. Quand je saurai où sont ces bijoux, si je ne puis pas les reconquérir moi-même, à cause de ma faiblesse, je vous demanderai du secours; vous me l'accorderez et nous réussirons. Si je suis assez heureux pour vous rapporter ces trésors, mes peines seront enfin récompensées et ma fidélité justifiée.»

Le roi l'entendit avec plaisir et applaudit à tous les mensonges que Reineke avait tissés avec tant d'art; toute la cour y ajouta foi également; il pouvait donc s'en aller voyager où bon lui semblait et sans en demander la permission.

Mais Isengrin ne put pas se contenir plus longtemps, et, grinçant des dents, il s'écria: «Sire! voilà donc que vous croyez encore ce brigand qui vous a déjà menti deux ou trois fois! Qui n'en sera pas étonné? Ne voyez-vous pas que ce fripon vous trompe et nous ruine tous!