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intérêt; en tout ou en partie, il sait profiter de chaque chose. Aussi c'est lui et l'ours que l'on écoute, et la parole de Reineke est en petite estime!

»Seigneur, il est vrai, on m'a accusé et je ne reculerai pas; car il faut que j'aille jusqu'au bout et je le dis à haute voix: Y a-t-il quelqu'un ici présent qui se fasse fort de prouver son dire. Qu'il vienne avec des témoins; qu'il s'en tienne à la cause et mette en gage sa fortune, son oreille, sa vie, dans le cas où il perdra. J'offre d'en faire autant. Telle a toujours été la jurisprudence: que l'on procède encore ainsi aujourd'hui, et que le procès tout entier, le pour et le contre, soient fidèlement consignés et examinés; j'ai le droit de le demander!

— Quoi qu'il en soit, répondit le roi, je ne puis et ne veux rien changer aux formes de la justice: je ne l'ai jamais souffert. Tu es, il est vrai, véhémentement soupçonné d'avoir pris part au meurtre de Lampe, mon fidèle messager. Je l'aimais beaucoup: sa perte m'a été sensible, et je fus extrêmement affligé de voir sa tête sanglante sortir de la besace. Bellyn, son méchant compagnon, en porta la peine sur-le-champ; pour toi, tu peux continuer à te défendre, suivant les formes judiciaires. Quant à ce qui me concerne personnellement, je pardonne à Reineke; car il m'a été fidèle, dans maintes circonstances difficiles. Si quelqu'un veut porter encore plainte contre lui, nous sommes prêts à l'entendre: qu'il produise des témoins irréprochables et soutienne en forme l'accusation: c'est là à sa disposition!»

Reineke dit: «Sire, grand merci! vous écoutez tout le monde et chacun jouit des bienfaits de la loi; permettez-moi de vous affirmer par ce qu'il y a de plus sacré que c'est la tristesse dans l'âme que j'ai dit adieu à Bellyn et à Lampe; je crois que j'avais un pressentiment de