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« Sire, quand vous daignez me prêter l'oreille sur ma prière, vous ne vous en êtes jamais repenti, et, quand vous êtes courroucé, vous me pardonnez d'oser vous dire une parole de clémence. Veuillez donc m'entendre encore aujourd'hui, quoiqu'il s'agisse de quelqu'un de ma famille. Qui peut donc renier les siens? Reineke, malgré tout, est mon parent, et, si je dois avouer ce que je pense de sa conduite, j'ai la meilleure opinion de sa cause, puisqu'il se présente devant la justice. Son père, que votre père a comblé de faveur, a eu aussi beaucoup à souffrir des mauvaises langues et des calomniateurs. Mais il les a toujours confondus. Aussitôt qu'on approfondissait l'affaire, tout s'éclaircissait: ses envieux lui faisaient un crime même de ses services. C'est ainsi qu'il a toujours joui à la cour de plus de considération que Brun et qu'Isengrin: car il serait à désirer pour ces derniers qu'ils eussent su écarter aussi tous les griefs dont on les charge si souvent; mais ils n'entendent pas grand'chose à la loi, à en juger par leurs conseils et par leurs actions.»

Le roi lui répliqua: «Comment pouvez-vous être étonnée que j'en veuille à Reineke, ce brigand, qui vient de tuer Lampe, de séduire Bellyn, et qui, avec plus d'audace que jamais, nie tout et ose se vanter d'être un honnête et fidèle serviteur, tandis que tous ensemble l'accusent, avec des preuves qui ne sont que trop claires, d'avoir méprisé mon sauf-conduit et d'avoir pillé, volé tout le pays et mis à mort mes sujets? Non, je ne le souffrirai pas plus longtemps.» La guenon lui répliqua: «Certes, il n'est pas donné à tout le monde d'agir et de conseiller avec prudence en pareil cas, et celui qui réussit mérite toute confiance; mais les envieux cherchent à lui nuire secrètement; puis, quand ils sont en nombre, ils paraissent au grand jour. C'est ce qui est arrivé plus d'une fois à Reineke; mais ils n'effaceront pas le souvenir