Au secours ! au secours ! Bellyn, je suis perdu ! le pèlerin m’égorge ! » Mais il ne cria pas longtemps, car Reineke eut bientôt fait de lui couper la gorge. Voilà comme il traita son hôte. « Venez, dit-il, et mangeons vite, car le lièvre est gras et d’un goût parfait. C’est vraiment la première fois qu’il sert à quelque chose, le nigaud ! Il y a longtemps que je le lui avais promis ; mais maintenant, c’en est fait. Que le traître aille donc m’accuser encore ! »
Reineke se mit à la besogne avec sa femme et ses enfants. Ils écorchèrent le lièvre sans plus tarder et le mangèrent de bon appétit. Dame Renard le trouva délicieux et s’écria plus d’une fois : « Mille fois merci au roi et à la reine ; grâce à eux, nous avons fait un festin magnifique ; que Dieu les en récompense !
—Mangez toujours, disait Reineke ; cela suffit pour aujourd’hui, mais notre appétit ne chômera pas, car je compte vous approvisionner encore ; il faudra bien, en fin de compte, que tous ceux qui s’attaquent à moi et me veulent du mal payent l’écot. »
Dame Ermeline dit : « Oserais-je vous demander comment vous vous êtes tiré d’affaire ? —Il me faudrait bien des heures, répondit-il, si je voulais raconter avec quelle adresse j’ai enlacé le roi et l’ai trompé, lui et la reine. Oui, je ne vous le cache pas : l’amitié qui règne entre le roi et moi ne tient qu’à un fil et ne durera pas longtemps. Quand il saura la vérité, il se mettra dans une terrible colère. Si je retombe jamais en son pouvoir, ni or ni argent ne pourront me sauver ; il me poursuivra et cherchera à me prendre. Je ne dois pas attendre de merci, je le sais parfaitement ; il ne me lâchera pas que je ne sois pendu, il faut nous sauver. Fuyons en Souabe ! Là, personne