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chés dès la première nouvelle d’une si grande détresse, nous nous sommes empressés d’envoyer une petite part de notre abondance, afin de réconforter, au moins, quelques-uns de ces infortunés et qu’ils nous apparaissent plus calmes, quand notre pensée se tournera vers leur malheur. Mais ne ravivons point ces pénibles images : la crainte ne se glisse que trop aisément dans les cœurs, accompagnée du souci, qui m’est plus odieux que le mal même. Entrez dans la salle du fond : jamais le soleil n’y pénètre, jamais l’air chaud n’en traverse les épaisses murailles, et toi, petite mère, tu nous apporteras un flacon de l’année quatre-vingt-trois pour dissiper la mélancolie sombre. Il n’est pas agréable de boire ici ; les mouches bourdonnent autour des verres. »

Ils passèrent dans la salle et tous s’y réjouirent de la fraîcheur.

L’hôtesse apporta, avec précaution, sur un plateau d’étain, arrondi et brillant, le flacon de cristal, où brillait limpide la liqueur d’une vigne généreuse, et les coupes vertes appelées rœmern, seuls verres dans lesquels on doive boire le vin du Rhin. Les trois amis étaient assis autour de la table ronde, brune et luisante, reposant solidement sur ses pieds. Aussitôt les verres de l’hôte, et du pasteur, se rencontrant, retentissent d’un son clair et gai, tandis que leur compagnon tient le sien immobile,