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ANATOMIE

analogie, que nous rappellerons ici ces belles paroles de Troxler : « Le squelette est le meilleur et le plus important de tous les indices physiognomiques qui peuvent nous dévoiler la nature du génie créateur ou du monde créé, qui se traduit par cette forme tangible. »

Mais quel nom donner au génie qui se manifeste dans le genre Bradypus ? Nous serions tenté de dire que c’est un mauvais génie, s’il était permis de proférer ce blasphème. C’est en tout cas un esprit qui ne peut pas se manifester dans toute sa puissance et dans tous ses rapports avec le monde extérieur.

Qu’on nous passe ici quelques expressions poétiques, d’autant plus que la prose devient tout-à-fait insuffisante. Supposez qu’un esprit immense, qui, dans l’Océan, se manifeste sous la forme d’une baleine, tombe sur un des rivages marécageux de la Zone torride : dès lors il n’a plus la faculté dont jouit le poisson, car il lui manque un milieu qui le supporte, et permette au corps le plus volumineux de se mouvoir à l’aide d’appendices très petits. Il se développera donc nécessairement des membres énormes pour soutenir un corps énorme. Appartenant à la terre et à l’eau, cet être bizarre est privé de tous les avantages que les habitants de l’un ou de l’autre de ces éléments savent y trouver, et il est bien remarquable qu’il lègue à sa postérité, comme une marque indélébile de son origine, cette impuissance, résultant de l’impossibilité où il est de se mettre en harmonie avec les conditions extérieures au milieu desquelles il a été placé. Mettez l’une à côté de l’autre les figures du Megatherium et de l’Aï (Bradypus tridactylus, L.), et si vous êtes convaincus de leur analogie, vous direz : Ce colosse immense, qui ne put devenir le roi des sables marécageux qu’il habitait, transmit à ses descendants, par une filiation inconnue, la même impuissance ; ceux-ci gagnèrent alors la