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L’AVOCAT.

Mais, quand ces bonnes gens se saluent, se complimentent là-haut en chantant, chantent les billets qu’ils reçoivent, expriment en chantant leurs amours, leurs haines, toutes leurs passions, se battent et rendent l’âme en chantant, pouvez-vous dire que la représentation tout entière, ou seulement une partie, vous semble vraie, je dirai même ait la moindre apparence de vérité ?

LE SPECTATEUR.

Franchement, lorsque j’y réfléchis, je n’oserais le dire. Rien de tout cela ne me semble vrai.

L’AVOCAT.

Et pourtant vous en êtes entièrement satisfait et content ?

LE SPECTATEUR.

Sans contredit. Je me souviens encore fort bien qu’on voulait naguère présenter l’opéra comme ridicule, à cause de sa grossière invraisemblance, et que malgré cela j’y trouvais le plus grand plaisir, et je l’y trouve toujours plus, à mesure qu’il devient plus riche et plus parfait.

L’AVOCAT.

Et à l’Opéra, ne vous trouvez-vous pas aussi complétement trompé ?

LE SPECTATEUR.

Trompé !…. Je ne voudrais pas me servir de ce mot. Et pourtant oui !…. et pourtant non !

L’AVOCAT.

Vous voilà à votre tour dans une complète contradiction, qui semble être bien plus fâcheuse qu’un jeu de mots.

LE SPECTATEUR.

Patience ! La chose s’éclaircira.

L’AVOCAT.

Aussitôt qu’elle sera éclaircie, nous serons d’accord. Voulezvous me permettre, au point où nous en sommes, de vous adresser quelques questions ?

LE SPECTATEUR.

Puisque vos questions m’ont jeté dans cette perplexité, il est juste que vos questions m’en tirent.