avec tout ce qui portait le nom de Saxon, sans se laisser détourner par aucun incident. Le général Dentzel, qui avait étudié, bien des années auparavant, la théologie à léna, et que sa connaissance des lieux avait fait appeler à cette grande expédition, montra, en sa qualité de commandant, les dispositions les plus bienveillantes. Le jeune Mounier, élevé chez nous, lié d’amitié avec plusieurs familles, fut nommé commissaire ordonnateur, et sa douceur apaisa ptu à peu les esprits agités. Chacun avait quelques récits à faire des mauvais jours, et se plaisait à rappeler comme il avait surmonté ses souffrances ; on supporta volontiers quelques charges, quand on fut délivré des terreurs qui avaient saisi soudain le pays.
Nous cherchâmes donc à rendre au théâtre son ancienne consistance, et il reprit un nouvel éclat, non pas sans préparation, mais accidentellement, grâce à une œuvre d’art d’un caractère gracieux et fait pour rétablir la paix de l’âme. Le Tasse fut représenté. On l’avait appris, non pas au milieu de ces orages, mais depuis longtemps en secret. Et maintenant, qu’on ne se sentait pas le courage de préparer quelque autre nouveauté, qu’il se présentait des jours de fête à célébrer, l’empressement amical de mes chers élèves se réveilla, en sorte que je finis par accorder avec une demi-contrainte ce que j’aurais dû souhaiter vivement, encourager et recevoir avec reconnaissance. Le succès de la pièce fut aussi grand que la préparation en avait été soignée et soutenue, et je fus charmé de voir qu’une chose que j’avais jugée impossible fût si heureusement réalisée.
Peu de temps après la représentation du Tasse, cette image si pure de scènes tendres, aimables, spirituelles, de la vie du monde et de la cour, la duchesse Amélie fut enlevée à cette patrie qu’elle avait vue si profondément ébranlée et presque détruite. Ce fut un deuil général, et pour moi une affliction toute particulière.
Pour m’arracher à toutes ces douleurs, je retournai à l’observation de la nature. Plusieurs fois il m’était revenu que les idées qui avaient fait ma joie se développaient dans des esprits parents du mien. Cela me décida à faire réimprimer la Métamorphose des plantes, et à revoir d’anciens cahiers, où je pourrais puiser des choses utiles et agréables aux naturalistes.