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Munster, décembre 1792.

Annoncé à la princesse Gallitzin, j’espérais trouver d’abord un gîte commode, mais je fus arrêté en chemin par divers obstacles, et la nuit était déjà fort avancée quand j’arrivai à la ville. Je ne jugeai pas à propos de mettre dès l’entrée l’hospitalité à l’épreuve par une telle surprise, et je m’arrêtai devant une auberge, où l’on me refusa une chambre et un lit : les émigrés n’avaient pas laissé la moindre place. J’eus bientôt pris mon parti, et je passai la nuit sur une chaise dans la chambre commune, toujours plus commodément que naguère, quand, par une pluie battante, nous ne trouvions ni feu ni lieu.

Après cette légère privation, je me vis, le lendemain, l’objet des meilleurs traitements. La princesse vint à ma rencontre, et je trouvai tout préparé dans sa maison pour me recevoir. Je savais fort bien de mon côté comment je devais me comporter. Je connaissais d’autrefois les membres de la société ; je savais que j’entrais dans une maison pieuse, et je me conduisis en conséquence. Mes hôtes, de leur côté, se montrèrent affables, sages et nullement étroits.

La princesse nous avait fait visite à Weimar, plusieurs années auparavant, avec Furstenberg et Hemsterhuis ; ses enfants l’accompagnaient aussi. Dès lors on s’était déjà mis d’accord sur certains points, et, passant une chose, en souffrant une autre, on s’était séparé en parfaite intelligence. La princesse était une de ces personnes dont on ne peut se faire aucune idée quand on ne les a pas vues, et qu’on ne juge pas bien quand on ne les a pas observées en rapport, comme en conflit, avec les circonstances. Furstenberg et Hemsterhuis, hommes excellents, lui tenaient fidèle compagnie,-et, dans une pareille sociélé, le bien comme le beau agissaient, intéressaient sans cesse. Depuis, Hemsterhuis était mort ; de Furstenberg, après tant d’années, étail toujours l’homme sage, noble et paisible. Et quelle position singulière parmi ses contemporains ! Ecclésiastique, homme d’État, si près de monter sur un trône de prince !

Après avoir épuisé le chapitre des souvenirs, nous en vînmes à parler de Hamann, dont j’aperçus bientôt la tombe dans un coin du jardin défeuillé. Ses incomparables qualités provo-