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jouée avec soin et donnée plusieurs fois. Le Devin du village, Rosé et Colas, Annette et Lubin, me firent une impression infiniment agréable. Je puis me représenter encore ces jeunes filles et ces jeunes garçons enrubannés et leurs mouvements. Je ne tardai pas à désirer de l’aire connaissance avec le théâtre même, et il s’en offrit à moi plusieurs occasions. Comme, en effet, je n’avais pas toujours la patience d’écouter les pièces jusqu’au bout, et que je passais bien du temps dans les corridors, ou même, quand la saison le permit, devant la porte, où je me livrais— à toute sorte de jeux avec des enfants de mon âge, un joyeux et beau petit garçon, qui appartenait au théâtre, et que j’avais entrevu dans quelques petits rôles, se joignit à nous. C’était avec moi qu’il pouvait le mieux s’entendre, parce qu’avec lui je savais tirer parti de mon français ; et, ce qui favorisa notre liaison, c’est qu’il ne se trouvait au théâtre ou dans le voisinage aucun enfant de son âge et de son pays. Nous nous voyions aussi hors des heures de spectacle, et, même pendant les représentations, il me laissait rarement en repos. C’était un délicieux petit hâbleur, au babil charmant et intarissable, et il savait conter tant de choses sur ses aventures, ses querelles et d’autres particularités, qu’il m’amusait extraordinairement, et que, pour la langue et la conversation, j’en appris plus avec lui en quatre semaines qu’on n’aurait pu se le figurer, si bien que personne ne s’expliquait de quelle façon j’étais arrivé tout d’un coup, et comme par inspiration, à posséder cette langue étrangère.

Dès les premiers jours de notre connaissance, il m’emmena sur le théâtre, et il me conduisit surtout au foyer, où les acteurs et les actrices se tenaient dans les entr’actes, s’habillaient et se déshabillaient. Le local n’était ni favorable ni commode, car on avait claquemuré le théâtre dans une salle de concert, en sorte qu’il ne se trouvait derrière la scène aucunes loges particulières pour les acteurs. Les deux sexes étaient le plus souvent mêlés dans une chambre latérale, assez grande, qui avait servi aux parties de jeu, et ils semblaient aussi peu se gêner entre eux que devant nous autres enfants, si les choses ne se passaient pas toujours fort décemment lorsqu’ils mettaient leurs costumes ou qu’ils en changeaient. Je n’avais jamais rien vu de