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appui et par la faveur que j’obtiendrais peut-être à la cour se laissât un peu entrevoir. Nous nous séparâmes vers une heure. J’avais dormi peu de temps, mais d’un profond sommeil, quand je fus réveillé par le cor d’un postillon, qui arrêta son cheval devant la porte. Bientôt parut Mlle Delf, qui s’approcha de mon lit avec une lettre et une lumière. « Nous y voilà ! s’écria-t-elle : lisez et dites-moi ce que c’est. Sans doute cela vient de Weimar ! C’est une invitation. Ne vous y rendez pas, et rappelez-vous nos entretiens. » Je lui demandai de la lumière et un quart d’heure de solitude. Elle me quitta à regret. Sans ouvrir la lettre, je restai un moment rêveur. L’estafette venait de Francfort ; je reconnus le sceau et la main. L’ami y était donc arrivé. Il m’invitait ; la défiance et l’incertitude nous avaient fait agir à la précipitée. Pourquoi n’avoir pas attendu dans nos paisibles foyers un homme positivement annoncé, dont le voyage avait pu être retardé par tant d’accidents ? Les écailles me tombèrent des yeux. Toute la bonté, la faveur et la confiance passées se représentèrent vivement à mon esprit ; j’étais presque honteux de mon écart. J’ouvris la lettre, et je vis que tout s’était passé fort naturellement. Mon guide avait attendu de Strasbourg, jour par jour, heure par heure, la voiture neuve, comme nous l’avions attendu lui-même. Une affaire l’avait ensuite obligé de passer par Mannheim pour se rendre à Francfort, et, là, il avait été consterné de ne pas me trouver. Il m’avait envoyé aussitôt, par une estafette, une lettre pressée, dans laquelle il exprimait son assurance que, l’erreur une fois reconnue, je reviendrais sur-le-champ, et ne lui causerais pas la mortification d’arriver sans moi à Weimar.

Si vivement que ma raison et mon cœur inclinassent d’abord de ce côté, la nouvelle direction que j’avais prise y faisait un sérieux contre-poids. Mon père m’avait tracé un très-joli plan de voyage, et m’avait remis une petite bibliothèque, avec laquelle je pouvais me préparer et me guider sur les lieux. Dans mes heures de loisir, je n’avais pas eu jusqu’alors d’autre amusement, et même, dans mon dernier petit voyage en voiture je n’avais pas songé à autre chose. Ces objets magnifiques, que j’avais appris à connaître dès mon enfance par des récits et des imitations de tout genre, se rassemblaient devant moi, et rien