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trouvait là, on ne pouvait décemment le renier ; d’ailleurs on ne se souvenait pas d’avoir jamais été mécontent de lui à pareille fête. Le cousin Schourke (maraud) embarrassait davantage. Il avait rendu service à la famille, quand cela le servait aussi lui-même ; il lui avait nui aussi quelquefois, peut-être pour son avantage personnel, peut-être aussi parce que cela lui plaisait. Les gens plus ou moins avisés volèrent pour son admission ; quelques-uns, qui l’excluaient, eurent contre eux la majorité. Encore un troisième personnage, sur lequel il était difficile de se prononcer : c’était, dans la société, une personne convenable, aussi facile et obligeante qu’une autre, capable de rendre plus d’un service. Son seul défaut était de ne pouvoir entendre son nom. Aussitôt que notre homme l’entendait, il entrait soudain dans une fureur héroïque, dans une frénésie guerrière, il menaçait de tout massacrer à droite et à gauche, et, dans son emportement, il blessait ou il était blessé. C’est ainsi qu’on voyait, grâce à lui, le second acte s’achever dans une grande confusion.

On ne pouvait manquer dans cette occasion de châtier le brigand Macklot. Il vient en effet, colportant sa « mackloture, » et comme il aperçoit les préparatifs de la noce, il ne peut résister à son penchant de l’aire encore ici le parasite, et d’apaiser, aux dépens d’autrui, ses entrailles affamées. Il se présente, Kilian Broustfleck examine ses droits, mais il est obligé de l’écarter ; car, dit-il, tous les convives sont des caractères ouverts et connus, et c’est à quoi le requérant ne saurait prétendre. Macklot fait son possible pour démontrer qu’il est aussi renommé que les autres. Mais, comme Kilian Broustfleck, en sa qualité de rigoureux maître des cérémonies, ne veut pas se laisser ébranler, l’autre personnage sans nom, qui s’est remis de sa frénésie guerrière, prend si vivement la défense du contrefacteur, avec lequel il a tant d’affinité, que Macklot est finalement admis au nombre des convives.


Vers ce temps-là, les comtes de Stolberg, qui allaient faire un voyage en Suisse, nous annoncèrent leur visite. La publication de mes premières poésies dans l’Almanach des Muses de Gœttingue m’avait lié avec eux étroitement, comme avec toute cette jeunesse, dont l’influence et le caractère sont assez connus. À cette époque, on se faisait des idées assez singulières de l’amour et de l’amitié. C’étaient proprement de jeunes hommes alertes, qui se débraillaient ensemble et qui montraient un talent réel, mais inculte. Ces rapports mutuels, qui avaient l’air de la confiance, on les prenait pour de l’affection, pour un véritable attachement. Je m’y trompais aussi bien que les autres, et j’en ai longtemps souffert de plus d’une manière. Il existe encore de ce temps-là une lettre de Burger, où l’on voit qu’il n’était nullement question entre ces camarades d’esthétique