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tune suffisante, ne peuvent point se promettre de lune de miel ; le monde les menace aussitôt de ses impérieuses exigences, qui, si elles ne sont pas satisfaites, font accuser un jeune couple de folie.

L’insuffisance des moyens que j’avais courageusement mis en œuvre pour atteindre mon but n’avait pu se révéler à moi auparavant, parce que ces moyens auraient suffi jusqu’à un certain point : maintenant le but s’était rapproché, et rien ne cadrait plus. Le sophisme, que la passion trouve si aisément, ressortait peu à peu dans toute son inconvenance. Je dus considérer avec quelque sang-froid ma maison, ma situation domestique, dans ses derniers détails. Je sentais bien au fond que tout cela était préparé pour une bru ; mais sur quel genre de personne avait-on compté ? Nous avons fait connaissance, à la fin de la troisième partie, avec une jeune personne modeste, aimable, sage, belle, vertueuse, toujours égale à elle-même, aimante et sans passion ; c’était la clef de voûte convenable au cintre qui s’achevait : maintenant, à juger avec calme et sans prévention, on ne pouvait se dissimuler que pour la nouvelle clef il aurait fallu construire une voûte nouvelle. Cependant cela n’était pas encore évident pour moi, et pour elle tout aussi peu. Mais, quand je me voyais dans ma maison et que je songeais à l’y introduire, elle me semblait n’être pas à sa place, tout comme, pour paraître dans ses assemblées, pour ne pas trancher avec les gens à la mode, j’avais dû changer d’habits de temps en temps et en changer encore. Or cela n’allait pas avec un ménage où, dans une maison bourgeoise, neuve, de belle apparence, une magnificence surannée avait, en quelque sorte, reculé la date de l’établissement. Aussi n’avait-il pu s’engager ni s’établir, même après le consentement obtenu, aucunes relations entre les parents, aucun lien de famille. C’étaient d’autres usages religieux, d’autres mœurs. À supposer que mon aimable fiancée voulût continuer un peu son genre de vie, elle ne trouverait dans la décente et spacieuse maison ni l’occasion ni l’espace nécessaires.

Si j’avais jusqu’alors détourne les yeux de toutes ces choses, il s’était ouvert à moi du dehors, pour me tranquilliser et me fortifier, de belles perspectives de parvenir à quelque emploi