Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cherchait à se consoler. Le pasteur Ewald et sa femme entraient en scène d’une manière également caractéristique, avec chagrin et avec esprit, avec des regrets sentis et des conseils modérés. Cependant la confusion était encore générale, lorsque enfin l’oncle Bernard arrive, avec une tranquillité exemplaire, dans l’attente d’un bon déjeuner, d’un honorable dîner de fête, et il est le seul qui envisage l’affaire du véritable point de vue, qui tienne des discours consolatifs, raisonnables, et qui arrange tout, absolument comme dans la tragédie grecque un Dieu fait cesser avec peu de mots les égarements des plus grands héros.

Tout cela fut écrit à plume courante pendant une partie de la nuit, et remis à un messager, qui avait pour instruction d’arriver, le lendemain, à dix heures précises à Offenbach. À mon réveil, je vis la plus belle matinée. Je m’arrangeai pour arriver aussi à Offenbach au coup de midi. Je fus acccueilli par le plus étrange des charivaris. On parlait à peine de la fête troublée. Ils me grondaient et me querellaient tous de les avoir si bien saisis. Les domestiques étaient charmés d’avoir figuré sur le même théâtre que leurs maîtres ; les enfants seuls, invariables, incorruptibles réalistes, soutenaient obstinément qu’ils n’avaient pas parlé ainsi, et que tout s’était passé autrement qu’on ne le voyait là écrit. Je les apaisai avec quelques avant-goûts du dessert, et nous restâmes bons amis. Un joyeux dîner, des préparatifs modestes, nous disposèrent à recevoir Lili sans faste, mais peut-être aussi avec plus de tendresse. Elle vint et trouva, pour lui souhaiter la bienvenue, des visages gais et riants : elle était presque surprise que son absence permît tant d’allégresse : on lui expliqua tout, on lui donna lecture de la pièce, et, avec sa douceur et sa grâce, elle me remercia comme elle seule pouvait faire.

Il n’était pas besoin d’une grande pénétration pour remarquer que son absence d’une fête qui lui était consacrée n’avait pas été accidentelle, mais qu’elle avait eu pour cause les propos qu’on tenait sur notre liaison. Cependant ils n’eurent pas la moindre influence ni sur nos sentiments ni sur notre conduite. On ne pouvait manquer dans cette saison de chercher, avec empressement, hors de la ville, les plaisirs de la société. Souvent je n’arrivais que tardivement dans la soirée, et je trouvais Lili