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tres, et il est entraîné avec elles dans des destinées passagères. Je considérai à ce point de vue la carrière de ces deux hommes, et ils me parurent dignes à la fois de respect et de pitié, car je prévoyais qu’ils pourraient se trouver tous deux contraints de sacrifier le supérieur à l’inférieur. Et comme je poursuivais jusqu’aux dernières limites toutes les méditations, et que, sortant du cercle étroit de mon expérience, je cherchais des cas semblables dans l’histoire, je conçus l’idée d’exposer sous une forme dramatique, dans la vie de Mahomet (que je n’avais jamais pu considérer comme un imposteur), ces voies, qui s’étaient manifestées à moi si vivement dans la réalité, et qui mènent souvent à la perte plutôt qu’au salut. J’avais lu et étudié peu de temps auparavant, avec un grand intérêt, la vie du prophète oriental, et, quand cette idée me vint, j’étais donc assez bien préparé. L’ensemble se rapprochait de la forme régulière, vers laquelle j’inclinais déjà de nouveau, tout en me servant avec mesure de la liberté, désormais conquise pour le théâtre, de disposer à mon gré du temps et du lieu. La pièce commençait par un hymne que Mahomet chante seul, la nuit, sous un ciel serein. Il commence par adorer les innombrables étoiles comme autant de dieux ; ensuite se lève l’aimable étoile de Gad (notre Jupiter), et il lui adresse à elle seule son hommage, comme à la reine des étoiles. Bientôt la lune s’avance, et elle charme le cœur et les yeux de l’adorateur, qui, récréé et fortifié plus tard par le soleil levant, entonne des louanges nouvelles. Mais cette succession, si charmante qu’elle puisse être, laisse de l’inquiétude : le cœur sent qu’il doit enchérir encore ; il s’élève à Dieu, l’unique, l’éternel, l’infini, à qui tous ces êtres magnifiques, mais limités, doivent leur existence. J’avais composé cet hymne avec amour ; il est perdu, mais on pourrait en faire une cantate, qui se recommanderait au musicien par la variété de l’expression. Il faudrait, comme c’était alors mon intention, se représenter le chef d’une caravane avec sa famille et toute sa tribu, et l’on aurait ainsi le moyen de varier les voix et la force des chœurs.

Après que Mahomet s’est converti de la sorte lui-même, il communique ses idées et ses sentiments à ses alentours. Sa femme et Ali se déclarent pour lui sans réserve. Au second acte, il essaye lui-même, et Ali avec plus d’ardeur encore que lui, de