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a-t-il constamment dans toutes ses parties quelque chose de réglé. Cet ouvrage élémentaire l’éparpillé au contraire absolument, en ce que les choses qui ne se rencontrent point dans le monde sont placées les unes à côté des autres, à cause de l’affinité des idées. Aussi l’ouvrage manque-t-il de cette méthode sensible que nous devons reconnaître dans les travaux du même genre d’Amos Comenius.

Cependant la conduite de Basedow était beaucoup plus étrange et plus difficile à comprendre que sa doctrine. Son but, dans ce voyage, était d’intéresser par son influence personnelle le public à son entreprise philanthropique, et d’ouvrir à la fois les cœurs et les bourses. Il savait parler de son dessein d’une manière élevée et persuasive, et ses assertions étaient acceptées volontiers ; mais il blessait d’une manière inconcevable les cœurs des personnes qu’il voulait mettre à contribution ; il les offensait même sans nécessité, en ne sachant pas dissimuler ses idées bizarres en matière de religion. Ici encore Basedow était tout l’opposé de Lavater. Tandis que celui-ci acceptait la Bible et la jugeait applicable littéralement, dans tout son contenu, et même mot à mot, jusqu’au temps actuel, Basedow sentait la plus inquiète démangeaison de tout renouveler, et de refondre, soit les croyances, soit le culte, d’après des idées singulières qu’il s’était faites. Il traitait surtout sans ménagement et sans précaution les idées qui ne sont pas émanées immédiatement de la Bible, mais de son interprétation ; les expressions techniques, philosophiques, ou les images sensibles avec lesquelles les Pères de l’Église et les conciles ont cherché à expliquer l’inexprimable ou à combattre les hérétiques. Avec une dureté inexcusable, il se déclarait devant tout le monde l’ennemi le plus prononcé de la trinité, et n’avait jamais fini d’argumenter contre ce mystère universellement reconnu. J’avais moi-même beaucoup à souffrir de ces conversations dans nos tête-à-tête, et Une cessait pas de me remettre en avant l’hypostase et l’ousia, ainsi que le prosôpon. Je recourais aux paradoxes, je débordais ses opinions, et j’essayais de combattre les témérités par des témérités plus grandes. Cela donnait à mon esprit une impulsion nouvelle, et, comme Basedow avait beaucoup plus de lecture, et qu’il était, dans la dispute, beau-