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adoucies, les légitimations facilitées, les mésalliances et les divorces encouragés ; un de nos premiers avocats se fit le plus grand honneur en procurant par son éloquence à un fils du bourreau l’entrée du corps médical. Les maîtrises et les corporations résistaient en vain ; les digues étaient rompues l’une après l’autre. La tolérance mutuelle des partis religieux était enseignée et même pratiquée, et la constitution civile fut menacée d’une atteinte plus grande encore, quand on s’efforça, avec l’intelligence, la sagacité et l’énergie de cette époque bienveillante, de recommander la tolérance envers les juifs. Ces nouveaux objets de la pratique du barreau, qui se trouvaient en dehors de la loi et de la coutume, et qui ne réclamaient qu’une appréciation équitable, une participation sentimentale, demandaient en même temps un style plus naturel et plus vif. C’était là une agréable carrière ouverte aux plus jeunes, dans laquelle ils escarmouchaient à plaisir ; et je me souviens encore qu’un procureur du conseil aulique m’adressa dans un cas pareil une fort gracieuse lettre de félicitations. Les plaidoyers français nous servaient de modèles et de stimulants. Par là nous étions en chemin de devenir meilleurs orateurs que juristes, et c’est ce que me fit observer un jour avec reproche le solide George Schlosser. Comme je lui contais que j’avais lu à mon client un mémoire écrit en sa faveur avec beaucoup d’énergie, et qu’il m’en avait témoigné une grande satisfaction : « Dans cette occasion, me dit-il, tu as agi en auteur plutôt qu’en avocat. On ne doit jamais demander si un pareil écrit plaît au client, mais s’il plaît au juge. »


Cependant quel homme a des affaires si sérieuses et si pressantes, auxquelles il consacre sa journée, qui ne trouve du temps le soir pour fréquenter le spectacle ? C’est aussi ce qui m’arrivait à moi, qui, à défaut d’une scène excellente, ne cessais pas de méditer sur le théâtre allemand, pour chercher le moyen de concourir à ses progrès. L’état de la scène allemande dans la seconde moitié du siècle passé est suffisamment connu, et quiconque veut s’en instruire trouve partout des secours tout prêts : je me bornerai donc ici à quelques réflexions générales. Le succès théâtral reposait plus sur la personne du comédien que sur le mérite des pièces. C’était surtout le cas des pièces à demi ou entièrement improvisées, où tout dépendait de l’esprit et du talent des acteurs comiques. Les sujets en doivent être pris dans la vie la plus commune, conformes aux mœurs du peuple devant lequel on joue. De cette actualité