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de la science qu’ils leur doivent. Au nombre des morceaux les plus intéressants, sont les comptes rendus d’autres journaux, la Bibliothèque de Berlin, le Mercure allemand, dans lesquels on admire à bon droit l’habileté en tant de branches diverses, les lumières et la bienveillance.

Pour ce qui me concernait, les rédacteurs virent fort bien que tout me manquait pour être un véritable critique. Mes connaissances historiques étaient sans cohérence ; l’histoire du monde, celle des sciences et de la littérature, avaient fixé mon attention par époques seulement, et les objets mêmes, partiellement et en gros. La faculté que j’avais d’animer et de me rendre présentes les choses, même hors de leur enchaînement, me permettait de me familiariser avec un siècle, avec une portion de la science, sans que j’eusse aucune connaissance de ce qui avait précédé et suivi. Il s’était de même développé chez moi un sens théorique et pratique, qui me mettait en mesure d’exposer plutôt comment les choses devaient être que comment elles étaient, et qui, sans véritable enchaînement philosophique, rencontrait juste par saillies. À cela se joignait une conception très-facile et l’empressement à accueillir les opinions des autres, pourvu qu’elles ne fussent pas en contradiction directe avec mes convictions.

Cette union littéraire fut en outre favorisée par une active correspondance et par de fréquentes conférences, que le voisinage des lieux rendait faciles. Qui avait lu un livre le premier en rendait compte ; quelquefois il se trouvait deux critiques pour un ; l’affaire était discutée, rattachée à d’autres, qui y touchaient, et, quand on était parvenu à un résultat certain, quelqu’un se chargeait de la rédaction. C’est pourquoi plusieurs comptes rendus sont aussi solides que vifs, aussi agréables que satisfaisants. Je fus très-souvent chargé du rôle de secrétaire. Mes amis me permettaient aussi d’entremêler mes badinages à leurs travaux et de me produire librement dans les matières que je sentais à ma portée et qui me tenaient particulièrement au cœur. J’essayerais inutilement, par des tableaux ou par des réflexions, de reproduire dans toute sa vérité l’esprit qui nous animait alors, si les deux années du journal ne m’offraient pas les documents les plus positifs. Plus tard, des extraits de pas-