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de les vouer au bien général. Il parut nombre d’écrits solides et sages, dans lesquels ceux qui possédaient quelques connaissances préalables pouvaient puiser une instruction substantielle. Si, à cette occasion, on revenait sur la constitution de l’Empire et sur les ouvrages qui en traitent, on s’étonnait que l’état monstrueux de ce corps, profondément malade, qui ne vivait encore que par un miracle, eût toutes les sympathies des savants. C’est que la respectable assiduité allemande, qui s’attache plus à rassembler et à développer les détails qu’à poursuivre les résultats, trouvait là un fonds inépuisable d’occupations toujours nouvelles : et soit qu’on opposât l’Empire à l’empereur, les petits États aux grands, les catholiques aux protestants, il y avait toujours nécessairement, selon les divers interdis, des opinions diverses, et toujours des occasions de luttes et de controverses nouvelles.


Comme je m’étais représenté de mon mieux toutes ces situations anciennes et nouvelles, je ne pouvais me promettre beaucoup de jouissances de mon séjour à Wetzlar. Ce n’était pas une perspective attrayante de trouver dans une ville bien située, il est vrai, mais petite et mal bâtie, un double monde : d’abord le monde indigène, ancien, traditionnel, puis un monde étranger, nouveau, chargé d’examiner sévèrement le premier ; un tribunal jugeant et jugé ; plus d’un habitant dans la crainte et le souci de se voir peut-être aussi impliqué dans l’enquête pendante ; des personnes considérables, si longtemps regardées comme dignes d’estime, convaincues des plus honteux méfaits, et réservées à un châtiment ignominieux : tout cela formait le tableau le plus triste, et ne pouvait engager à approfondir une affaire embrouillée par elle-même et sur laquelle le crime répandait une nouvelle confusion.

Je supposais qu’à l’exception du droit civil et du droit public allemand, je ne trouverais là aucun élément scientifique bien remarquable ; que j’y serais privé de tout commerce poétique, lorsque, après quelque hésitation, le désir de changer de situation, plus que la soif de la science, me conduisit dans ce pays. Mais quelle fut ma surprise, lorsqu’au lieu d’une société morose, s’offrit à moi une troisième vie universitaire ! À une grande table d’hôte, je trouvai réunis presque tous les attachés aux ambassades, jeunes gens éveillés. Ils me firent un gracieux accueil, et, dès le premier jour, je m’aperçus qu’ils égayaient leur dîner par une fiction romanesque : ils représentaient en effet, avec esprit et gaieté, une table de chevaliers. Au haut