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Égypte un nouveau roi, qui n’avait pas connu Joseph. « Mais le peuple même, innombrable comme les étoiles du ciel, semblait presque avoir oublié l’ancêtre à qui Jéhova avait fait, sous le ciel étoile, cette même promesse désormais accomplie. Avec une peine incroyable, avec des forces et des secours insuffisants, je vins à bout des cinq livres, et ce travail me suggéra les plus singulières idées ; je crus avoir trouvé que les dix commandements n’avaient pas été écrits sur les tables ; que les Israélites n’avaient pas erré quarante années, mais un temps très-court, dans le désert, et je m’imaginai pouvoir donner sur le caractère de Moïse des éclaircissements tout nouveaux.

Le Nouveau Testament ne fut pas non plus à l’abri de mes recherches ; avec mon goût pour les distinctions, je ne le ménageai pas ; mais, par affection et par amour, j’adhérai à ces paroles salutaires : « Que les Évangélistes se contredisent, pourvu que l’Évangile ne se contredise pas. » Dans ce domaine encore, je crus avoir fait toutes sortes de découvertes. Ce don des langues, communiqué au milieu des flammes, le jour de la Pentecôte, je me l’expliquais d’une manière un peu abstruse, qui n’était pas propre à se concilier beaucoup de partisans.

Une des doctrines fondamentales du luthéranisme, que les frères moraves avaient encore exagérée, était de croire l’homme sous l’empire du péché : j’essayai de m’accommoder à cette idée, mais avec peu de succès. Cependant je m’étais assez bien approprié la terminologie de cette doctrine, et je m’en servis dans une lettre qu’il me plut d’adresser, sous le masque d’un pasteur de campagne, à un nouveau confrère. Le thème principal de cet écrit était le mot d’ordre de l’époque, je veux dire la tolérance, alors admise par les meilleurs esprits.


Ces productions écloses peu à peu, je les fis publier à mes frais l’année suivante pour tâter le public ; j’en fis cadeau ou je les remis à la librairie d’Eschenberg, pour les vendre aussi bien que possible. Je n’en retirai aucun profit. Ça et là une revue critique en fit une mention favorable ou défavorable ; mais elles furent aussitôt oubliées. Mon père les conserva soigneusement dans ses archives ; sans lui, je n’en aurais plus aucun exemplaire. Je les joindrai à la nouvelle édition de mes œuvres, avec quelques travaux du même genre, que j’ai retrouvés manuscrits.

Comme c’est par l’influence de Hamann que je m’étais laissé entraîner à écrire ces compositions sibyllines et à les publier, il me semble que