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des colonnes, il en résultait déjà, en soi, un mur à jour ; mais nous, qui sommes contraints à nous défendre absolument contre la température et à nous entourer de murs de toutes parts, nous devons honorer le génie qui trouva le moyen de donner de la variété à des murailles massives, de les transpercer en apparence, et d’occuper l’œil dignement et agréablement sur la grande surface. Il en est de même des tours, qui ne représentent pas, comme les coupoles, un ciel en dedans, mais qui s’élancent au dehors vers le ciel, et qui doivent annoncer de loin aux pays d’alentour la présence du sanctuaire placé à leur base. Quant à l’intérieur de ces vénérables édifices, je ne hasardais d’y toucher que par la contemplation poétique et par de pieux sentiments. S’il m’avait plu d’exprimer clairement et distinctement, dans un style intelligible, ces vues, dont je ne veux pas contester le mérite, la brochure De l’architecture allemande, M. Ervini a Steinbach aurait produit plus d’effet dès son apparition, et éveillé plus tôt l’attention des amis de l’architecture nationale ; mais, séduit par l’exemple de Hamann et de Herder, j’enveloppai ces idées et ces considérations toutes simples dans un poudreux nuage de paroles et de phrases étranges, et j’obscurcis, pour les autres et pour moi, la lumière qui m’était apparue. Néanmoins ces feuilles furent bien reçues, et réimprimées dans la brochure de Herder Sur la manière et l’art allemand.

Si, par inclination ou dans un but poétique et par d’autres vues, je m’occupais avec plaisir des antiquités nationales et cherchais à les faire revivre devant moi, j’en étais toutefois détourné de temps en temps par les études bibliques et par les émotions religieuses ; la vie et les actes de Luther, qui jettent dans le seizième siècle un éclat si magnifique, devaient toujours me ramener aux Saintes Écritures et à la méditation des idées et des sentiments religieux. Je me complaisais, dans mon petit orgueil, à considérer la Bible comme une œuvre collective, formée peu à peu, remaniée à diverses époques : car cette conception n’était point encore dominante, et surtout elle n’était point admise dans la société au milieu de laquelle je vivais. Pour le sens général, je m’en tenais à la version de Luther ; pour les détails, je recourais à la traduction littérale de Schmid, et je m’aidais, aussi bien que possible, du peu d’hébreu que je