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études et par d’autres affaires, notre tendresse en prenait une nouvelle vie, qui nous préservait de tous les désagréments, conséquences fâcheuses qui accompagnent d’ordinaire ces petits commerces d’amour. Éloignée de moi, elle travaillait pour moi, et méditait quelque nouvelle récréation pour mon retour ; éloigné d’elle, je m’occupais pour elle, afin de lui paraître nouveau par un nouveau don, une nouvelle idée. Les rubans peints étaient alors à la mode ; je lui en peignis aussitôt quelques-uns, et je les lui envoyai avec une petite poésie, ayant dû rester cette fois à la ville plus longtemps que je ne l’avais supposé. Pour tenir aussi au père, au delà de mon engagement, la promesse que je lui avais faite d’un nouveau plan, je persuadai à un jeune architecte de travailler à ma place. Aussi charmé de la commission que plein d’obligeance pour moi, il fut encore plus excité par l’espérance de trouver un bon accueil dans une si agréable famille. Il exécuta le plan, l’élévation et la coupe de la maison ; la cour et le jardin ne furent pas oubliés ; il y ajouta une estimation détaillée, mais très-modérée, afin de présenter comme facile et praticable l’exécution d’une grande entreprise.

Ces témoignages de nos tentatives amicales nous valurent la plus gracieuse réception, et le bon père, voyant que nous étions parfaitement disposés à le servir, exprima un autre vœu : c’était de voir décorée de fleurs et d’autres ornements sa chaise, qui était jolie, mais d’une seule couleur. Nous assurâmes que nous étions à ses ordres. On fit acheter chez les droguistes des villes voisines les couleurs, les pinceaux et les autres choses nécessaires. Mais, afin qu’il n’y manquât pas une mésaventure à la manière de Wakefield, quand, à force de peine, nous eûmes tout couvert de peintures bigarrées, nous finîmes par nous apercevoir que nous avions pris un mauvais vernis, qui ne voulait pas sécher : soleil et courant d’air, température humide ou sereine, tout fut inutile. Il fallut, dans l’intervalle, se servir d’un vieux véhicule, et il ne nous resta plus qu’à gratter la décoration avec plus de peine que nous ne l’avions peinte. Le désagrément de ce travail s’augmenta encore des instances des jeunes filles, qui nous suppliaient de procéder lentement et avec précaution pour ménager le fond, qui, après cette opération, ne put recouvrer son premier poli. Cependant ces petits