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tu nous attendras, nous serons bientôt de retour, entends-tu ? » Je pressai le pas, joyeux et plein d’espérance que tout se passerait bien, puisque le commencement était heureux, et je fus bientôt à la cure. Je ne trouvai personne, ni dans la maison, ni à la cuisine. Je ne voulus pas distraire le pasteur, que je pouvais croire occupé dans son cabinet ; j’allai donc m’asseoir sur le banc devant la porte, le gâteau à mon côté, et j’enfonçai mon chapeau sur mes yeux.

Je ne me rappelle guère de sensation plus agréable. Me revoir assis près du seuil que j’avais franchi quelques heures auparavant, comme désespéré ; avoir déjà revu Frédérique, entendu de nouveau sa voix chérie, sitôt après que mon chagrin m’avait fait envisager une longue séparation ; l’attendre elle-même à chaque instant, ainsi qu’une découverte qui me faisait battre le cœur, mais qui, dans cette situation équivoque, ne pouvait cependant me faire rougir ; et puis, pour mon entrée, unirait aussi plaisant qu’aucun de ceux dont nous avions ri la veille ! L’amour et la nécessité sont les meilleurs maîtres. Ils avaient agi, tous deux et je ne m’étais pas montré leur disciple indigne.

La servante sortit de la grange : elle approcha. « Eh bien, les gâteaux ont réussi ? me cria-t-elle. Comment va la sœur ? — Fort bien, » lui dis-je, et j’indiquai le gâteau sans lever les yeux. Elle prit la serviette, et dit en bougonnant : « Eh bien, qu’as-tu encore aujourd’hui ? Barbette en a-t-elle encore regardé un autre ? Ne nous en fais pas payer la peine. Ce sera un joli mariage, si ça continue ! » Comme elle parlait assez haut, le pasteur se mit à la fenêtre, et demanda ce que c’était. Elle le mit au fait. Je me levai et me tournai vers lui, mais en me couvrant encore le visage avec mon chapeau. Lorsqu’il m’eut adressé quelques paroles bienveillantes, et qu’il m’eut engagé à rester, je me dirigeai vers le jardin, et j’allais y entrer, quand la mère, qui revenait par la porte de la cour, m’appela. Comme le soleil me donnait en plein dans la figure, je me servis encore une fois de l’avantage que le chapeau me donnait, et je lui tirai ma révérence ; puis elle entra à la maison, après m’avoir invité à ne pas m’en aller sans avoir pris quelque chose. Alors je me promenai en long et en large dans le jardin. Jusque-là tout avait réussi parfaitement, mais je me sentais