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attiré son attention. Enfin, mon ami entra avec la mère. Elle parut me regarder avec de tout autres yeux. Sa figure était régulière et intelligente. Elle devait avoir été belle dans sa jeunesse. Elle était grande et, quoique un peu maigre, elle était bien pour son âge ; elle avait encore une tournure jeune et agréable. La fille aînée entra précipitamment. Elle demanda Frédérique, comme la mère et Weyland l’avaient déjà demandée. Le père assura ne l’avoir pas vue depuis qu’elles étaient sorties toutes les trois. La jeune fille sortit de nouveau pour chercher sa sœur. La mère nous servit quelques rafraîchissements et Weyland poursuivit avec les deux époux la conversation, qui roula uniquement sur des personnes et des relations connues, comme il arrive d’ordinaire, quand des amis se rencontrent au bout de quelque temps, s’enquièrent des membres d’une nombreuse société et se donnent des informations mutelles. Je prêtais l’oreille et j’apprenais ce que je pouvais me promettre de cette société.

La sœur aînée rentra à la hâte, inquiète de n’avoir pas trouvé sa sœur. On en prenait souci, on lui reprochait telle ou telle mauvaise habitude, mais le père disait fort tranquillement : « Laissez-la faire, elle reviendra bien. » En effet, elle entra dans ce moment, et, en vérité, c’était un astre charmant qui se levait sur ce ciel champêtre. Les deux sœurs s’habillaient encore à l’allemande, comme on disait, et ce costume national, presque abandonné, allait particulièrement bien à Frédérique. Une jupe à falbalas, courte, blanche, ronde, qui laissait voir jusqu’à la cheville le plus joli petit pied ; un corset blanc et juste et un tablier de taffetas noir. Elle était ainsi sur la limite entre la paysanne et la demoiselle. Svelte et légère, elle marchait comme si ses pieds n’avaient rien eu à porter, et le cou semblait presque trop délicat pour les larges tresses blondes de sa jolie tête. Ses charmants yeux bleus jetaient autour d’elle des regards pleins d’intelligence, et son joli nez retroussé se levait librement en l’air, comme s’il ne pouvait y avoir dans le monde aucun souci. Son chapeau de paille était suspendu à son bras, et j’eus ainsi le plaisir de la voir, dès le premier coup d’œil, dans tout son charme et son agrément.

Alors je commençai à jouer mon rôle avec réserve, un peu