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avait observé dans plusieurs sources, et surtout dans les sources médicinales, un tarissement inaccoutumé. L’effet des nouvelles, promptement répandues, d’abord en gros, puis avec d’horribles détails, en fut plus considérable encore. Là-dessus les dévots ne manquèrent pas de se répandre en réflexions, les philosophes en consolations, le clergé en menaçantes homélies. Tout cela dirigea quelque temps sur ce point l’attention du monde, et les esprits émus par la calamité étrangère furent d’autant plus alarmés pour eux-mêmes et pour leurs familles, qu’il arrivait de toutes parts des nouvelles toujours plus nombreuses et plus détaillées sur les vastes effets de cette explosion. En aucun temps peut-être le démon de la peur n’avait répandu si vite et si puissamment son effroi sur la terre. Le petit garçon, condamné à entendre répéter toutes ces choses, en était fort troublé. Dieu, le créateur et le conservateur du ciel et de la terre, que la déclaration du premier article du Credo lui représentait si sage et si clément, ne s’était nullement montré paternel, en livrant à la même destruction les justes et les injustes. Vainement le jeune cœur cherchait-il à se remettre de ces impressions ; cela lui était d’autant moins possible, que les sages et les docteurs eux-mêmes ne pouvaient s’accorder sur la manière dont il fallait considérer un pareil phénomène.

L’été suivant, il s’offrit une occasion plus prochaine de faire directement connaissance avec le Dieu de colère, dont l’Ancien Testament rapporte tant de choses. Un orage de grêle éclata soudain, et, au milieu des éclairs et des tonnerres, il brisa avec une extrême violence les vitres neuves de notre façade postérieure, tournée vers le couchant ; il endommagea les meubles neufs, gâta quelques livres précieux et d’autres objets de prix, et causa d’autant plus de frayeur aux enfants que les domestiques, tout à fait hors d’eux-mêmes, les entraînèrent dans un corridor sombre, et là, tombant à genoux, croyaient apaiser par des hurlements et des cris effroyables la colère de la divinité. Cependant mon père, qui seul se possédait, dépendait et enlevait les fenêtres et, parla, il sauva sans doute quelques vitres, mais il ouvrit à l’averse dont la grêle fut suivie un plus large chemin ; aussi, lorsque enfin nous fûmes plus calmes, nous