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versité et de société, et, dans celle-ci, le secrétaire Salzmann, président de notre table, continua son rôle de pédagogue universel. Son esprit, son indulgence, sa dignité, qu’il savait maintenir au milieu de tous les badinages et même quelquefois des petites licences qu’il nous permettait, le faisaient chérir et respecter de toute la compagnie, et je ne saurais guère citer d’occasions où il ait dû montrer un sérieux mécontentement ou user d’autorité pour apaiser une querelle. De toute la société, c’est moi pourtant qui m’attachai le plus à lui, et il n’aimait pas moins à s’entretenir avec moi, parce qu’il me trouvait une culture plus variée et une manière de voir moins exclusive. Je réglai même mon extérieur sur le sien, afin qu’il pût, sans embarras, me reconnaître publiquement pour un de ses amis. En effet, quoiqu’il remplît une charge, qui semble de peu d’importance, il l’exerçait de telle sorte qu’elle lui faisait le plus grand honneur. Il était secrétaire du conseil pupillaire, et, comme le secrétaire perpétuel dans une académie, il y avait proprement la haute main. Comme il avait rempli cet office avec la plus grande exactitude, pendant beaucoup d’années, il n’y avait pas une famille, depuis la première jusqu’à la dernière, qui ne lui dût de la reconnaissance : car, dans tout le gouvernement de l’État, il n’est guère personne qui puisse moissonner autant de bénédictions ou de malédictions que celui qui prend soin des orphelins, ou qui dissipe ou laisse dissiper leurs biens.

Les habitants de Strasbourg sont des promeneurs passionnés, et ils ont raison de l’être. De quelque côté que l’on dirige ses pas, on trouve des lieux de plaisance. soit naturels, soit disposés avec art, à des époques plus ou moins reculées, plus ou moins récentes. Ce qui rendait plus agréable encore qu’en d’autres lieux le coup d’œil d’une foule de promeneurs, c’était la variété du costume des femmes. Les jeunes filles de la classe moyenne portaient encore des tresses roulées sur la tête, fixées avec une grande épingle, et une certaine jupe étroite, à laquelle il eût été ridicule d’ajouter une queue. Et ce qu’il y avait d’agréable, c’est que cet habillement n’était pas l’apanage exclusif d’une certaine classe : quelques familles riches et distinguées ne permettaient pas à leurs filles de renoncer à ce costume. Les autres s’habillaient à la française, et ce parti faisait chaque an-