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prennent pour mesure des objets qui se présentent et qui doivent y perdre le plus souvent. Je m’étais fait sur l’architecture, l’arrangement et la décoration des maisons, des idées générales, et, dans la conversation, je les appliquai inconsidérément à la nôtre. Mon père en avait conçu tout le plan, et l’avait mis à exécution avec une grande persévérance ; et, comme habitation uniquement destinée à son usage et à celui de sa famille, elle ne laissait rien à désirer. Beaucoup de maisons de Francfort étaient bâties dans le même genre. L’escalier, entièrement dégagé, touchait à de grands vestibules, dont on aurait fort bien pu faire des chambres ; et, en effet, nous les occupions toujours dans la belle saison. Mais ce qui était agréable et commode pour une seule famille, cette communication du haut jusqu’en bas, devenait de la plus grande incommodité aussitôt que plusieurs ménages habitaient la maison, comme nous en avions trop fait l’expérience à l’occasion des logements militaires. En effet, la scène pénible avec le lieutenant du roi n’aurait pas eu lieu, et mon père aurait moins senti tous les désagréments, si notre escalier avait côtoyé le mur, à la manière de Leipzig, et si chaque étage avait eu une porte particulière. Je parlai un jour de cette construction avec de grands éloges, et j’en fis valoir les avantages ; je montrai à mon père qu’il était possible de changer aussi son escalier. Là-dessus, il entra dans une colère incroyable, d’autant plus violente que j’avais critiqué, peu auparavant, quelques cadres de miroir à formes contournées, et dédaigné certains tapis chinois. Cela produisit une scène, qui fut, il est vrai, assoupie et calmée, mais qui accéléra mon départ pour la belle Alsace, où j’arrivai, sans faire de halte et en peu de temps, dans la bonne diligence qu’on venait d’établir.

J’étais descendu à l’auberge de l’Esprit ; et, pour satisfaire mon plus ardent désir, je courus à la cathédrale, que mes compagnons de voyage m’avaient déjà montrée de loin, et sur laquelle j’avais eu longtemps les yeux fixés. Lorsqu’enfin j’aperçus ce colosse par l’étroite ruelle, et qu’ensuite je me trouvai devant, beaucoup trop près, sur la place, qui est très-petite, il produisit sur moi une impression toute particulière, que je fus incapable de démêler sur-le-champ, et dont j’emportai