Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fluence. Sa collection de dissertations juridiques s’augmentait chaque année de quelques volumes.

Ensuite les tableaux, auparavant dispersés dans la vieille maison, décorèrent avec symétrie les murs d’une chambre agréable à côté du cabinet d’étude, tous avec des cadres noirs, ornés de baguettes dorées. Mon père avait une maxime, qu’il répétait souvent et même avec passion, c’est qu’on doit faire travailler les peintres vivants, et dépenser moins pour les morts, dans l’appréciation desquels il se glisse beaucoup de préjugés. À son avis, il en était des tableaux absolument comme des vins du Rhin, auxquels l’âge donne, il est vrai, un mérite particulier, mais que chaque année nouvelle peut produire aussi excellents que les précédentes ; il disait qu’après un certain temps le vin nouveau devenait aussi du vin vieux, tout aussi précieux et peut-être encore plus exquis. Il se confirmait surtout dans cette idée par l’observation que beaucoup d’anciens tableaux semblent acquérir un grand prix pour les amateurs, par cela seul qu’ils sont devenus plus bruns et plus sombres, et que l’on vantait souvent le ton harmonieux de ces tableaux. Mon père soutenait au contraire qu’il était bien assuré que les peintures nouvelles deviendraient noires aussi ; mais, qu’elles dussent précisément y gagner, c’est ce qu’il ne voulait pas accorder.

Selon ces principes, il occupa durant plusieurs années tous les artistes de Francfort : le peintre Hirth, qui savait très-bien peupler de bétail les forêts de chênes et de hêtres et tout ce qu’on appelle paysages ; Trautmann, qui avait pris Rembrandt pour modèle, et qui réussissait fort bien dans les intérieurs éclairés et les reflets, non moins que dans la peinture d’incendies d’un grand effet, si bien qu’un jour on lui demanda un pendant pour un tableau de Rembrandt ; Schutz, qui, à la manière de Sachtleeven, traitait soigneusement les contrées du Rhin ; Junker, qui, à la suite des Néerlandais, rendait avec une grande pureté les fleurs, les fruits, la vie intime et les travaux paisibles. Mais notre nouvel arrangement, un espace plus commode, et, plus encore, la connaissance d’un artiste habile, stimulèrent et vivifièrent les goûts de mon père. Je veux parler de Seekatz, élève de Brinckmann, peintre de la cour de Darm-