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avec tout cela, le livre resta encore assez obscur et inintelligible : seulement, on finissait par s’initier à une certaine terminologie, et, comme on en usait à sa guise, on croyait, sinon comprendre, du moins dire quelque chose. Ce livre mentionne ses devanciers avec beaucoup d’honneur, et, par là, nous fûmes encouragés à étudier ces sources. Nous en vînmes à lire Théophraste Paracelse et Basile Valentin, de même que van Helmont, Starckey et les autres, dont nous nous efforcions de pénétrer et de suivre les leçons et les préceptes, plus ou moins appuyés sur la nature et l’imagination. J’aimais surtout l’Aurea catena Homeri, par laquelle la nature est présentée, mais d’une manière peut-être fantastique, dans un bel enchaînement. Nous employâmes ainsi, tantôt seuls, tantôt ensemble, beaucoup de temps à ces singularités, et, durant un long hiver que je dus garder la chambre, Mlle de Klettenberg, ma mère et moi, nous passâmes les soirées très-agréablement à nous amuser de ces mystères, plus que nous n’aurions pu faire à les découvrir.

Cependant une dure épreuve m’était réservée encore ; une digestion troublée, et l’on pourrait dire suspendue pour quelques moments, amena de tels symptômes, qu’au milieu de grandes angoisses, je crus que j’allais mourir. Tous les remèdes étaient sans effet. Dans cette extrémité, ma mère conjura avec les plus vives instances le docteur, embarrassé, d’employer son remède universel. Après une longue résistance, il courut chez lui, la nuit étant déjà fort avancée, et il rapporta un petit verre d’un sel cristallisé, qu’on fit dissoudre dans l’eau et qui fut avalé par ’ le patient. Cela avait un goût alcalin prononcé. Aussitôt après, je me sentis soulagé, et dès lors mon mal parut tourner par degrés à la guérison. Je ne puis dire combien cet événement augmenta et fortifia notre confiance dans le médecin et notre désir d’acquérir un pareil trésor.

Mon amie était sans famille, et habitait une grande maison bien située. Elle s’était déjà procuré un petit fourneau à vent, des ballons et des cornues de moyenne grandeur, et elle opérait, selon les directions de Welling et les indications du docteur et maître, principalement sur le fer, qui devait receler les vertus les plus salutaires, si l’on parvenait à le décomposer ; et comme, dans tous les ouvrages à nous connus, le sel aérien,