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cuisine comme revenant-bon de sa place ; assaisonnant les mels de plaisanteries à la manière deBehrisch, et ajoutant une pointe à l’esprit du vin. Je reconnais, avec la plus sincère gratitude, que cet homme excellent, encore plein d’activité dans sa charge importante, me voua la plus fidèle assistance dans le mal que je pressentais alors, mais dont je ne soupçonnais pas encore toute la gravité ; qu’il me donna toutes ses heures de liberté, et, par le souvenir de nos premiers divertissements, sut égayer mes moments de tristesse. Je me félicite de pouvoir, après un si long temps, lui rendre publiquement ce témoignage.

Comme ce digne ami, Grœning, de Brème, me montra une affection particulière. J’avais fait sa connaissance peu de temps auparavant, et c’est dans ma disgrâce que j’éprouvai d’abord sa bienveillance. Je sentis d’autant plus vivement le prix de cette faveur, que personne ne recherche guère l’intimité de ceux qui souffrent. Il n’épargnait rien pour me divertir, pour m’arracher aux réflexions que je faisais sur mon état, pour me montrer dans un avenir prochain et nie promettre ma guérison et une saine activité. Que de fois je me suis réjoui dans la suite d’apprendre la part utile et salutaire que cet homme distingué a prise aux affaires les plus importantes de sa ville natale ! C’est alors aussi que l’ami Horn déploya sans relâche son affection vigilante. Toute la maison Breitkopf, la famille Stock, bien d’autres encore, me traitèrent comme un proche parent, et la bienveillance de tant d’amis me rendit plus supportable et plus doux le sentiment de mon état.

Mais je dois mentionner avec plus de détail un homme dont je fis alors la connaissance, et dont la conversation instructive savait si bien m’arracher à ma triste situation, que je l’oubliais véritablement. Cet homme était Langer, depuis bibliothécaire à Wolfenbuttel. Plein d’instruction et de science, il aimait ma soif de connaissances nouvelles, qui, dans mon état d’excitation maladive, se montrait d’une manière toute fiévreuse. Il cherchait à me satisfaire par des exposés lucides, et je dus beaucoup à sa société, quoiqu’elle ait duré peu de temps, parce qu’il savait me guider de diverses manières, et me rendre attentif à la direction que je devais suivre alors. Je me sentais d’autant plus obligé à cet homme remarquable que ma société l’exposait à