Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fort considéré des particuliers et des hommes publics, il était souvent consulté sur les constructions nouvelles et les changements qu’on avait en vue. En général, il paraissait plus disposé à travailler d’occasion, pour un but et un usage déterminés, qu’à entreprendre et à terminer des choses qui subsislent pour elles-mêmes et qui exigent une plus grande perfection. Aussi était-il toujours dispos, toujours prêt, quand les libraires lui demandaient pour quelque ouvrage des gravures grandes et petites. C’est lui, par exemple, qui a gravé les vignettes des premiers ouvrages de Winckelmann. Mais souvent il se bornait à faire de simples esquisses, que Geyser savait rendre parfaitement. Ses figures avaient quelque chose de générique, pour ne pas dire d’idéal. Ses femmes étaient agréables et charmantes, ses enfants assez naïfs ; mais il ne réussissait pas dans les hommes, auxquels, avec sa manière spirituelle, il est vrai, mais toujours nébuleuse, et en même temps expéditive, il donnait le plus souvent l’air de lazzaroni. Comme il calculait moins ses compositions sur la forme que sur la lumière, l’ombre et les masses, elles produisaient dans l’ensemble un bon effet, et, en général, toutes ses œuvres étaient accompagnées de quelque grâce. Comme d’ailleurs il ne pouvait ni ne voulait vaincre l’inclination enracinée qu’il avait pour le significatif, l’allégorique, pour ce qui éveillait une pensée accessoire, ses ouvrages donnaient toujours à réfléchir, et ils étaient complétés par une idée, ne pouvant l’être sous le rapport de l’art et de l’exécution. Cette direction, toujours dangereuse, l’entraînait quelquefois jusqu’aux dernières limites du bon goût et peut-être même au delà. Il cherchait souvent à atteindre son but par les plus singulières idées et par de capricieux badinages ; et, même dans ses meilleurs travaux, il y a toujours quelque chose d’humoristique. S’il arrivait que le public ne fût pas satisfait de ses conceptions, OEser se vengeait par une nouvelle facétie, plus singulière encore. Il peignit, par exemple, à sa manière, dans le vestibule de la grande salle de concerts, une figure idéale de femme, tenant des mouchettes qu’elle approche d’une bougie, et il s’égayait fort, à l’idée qu’il mettait peut-être les gens aux prises, sur la question de savoir si cette muse étrange avait dessein de moucher ou d’éteindre la chandelle : ce qui lui don-