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gneur Jésus avait pu faire dans une situation pareille. Cependant il ne trouva point d’imitateurs et peu de compagnons. Car l’étudiant qui jouissait de quelque fortune et de quelque considération avait tout sujet de témoigner son dévouement à la classe marchande, et un motif particulier d’observer avec soin les convenances, en ce que la Colonie offrait le modèle des mœurs françaises. Les professeurs, que leur fortune particulière et de riches fondations mettaient à leur aise, n’étaient pas dépendants de leurs disciples, et la plupart des enfants du pays, formés dans les écoles du prince ou d’autres gymnases, et qui espéraient des emplois, ne se hasardaient pas à rompre avec les coutumes établies. Le voisinage de Dresde, l’attention du gouvernement, la vraie piété des hommes chargés de surveiller les études, ne pouvaient manquer d’exercer une influence morale et même religieuse.

Au commencement, ce genre de vie ne me fut point désagréable ; mes lettres de recommandation m’avaient introduit dans de bonnes familles, dont les amis.m’accueillirent aussi fort bien dans leur intimité. Mais, comme je sentis bientôt que la société trouvait en moi bien des choses à redire, et qu’après m’être habillé à son goût, je devais aussi parler à sa façon, qu’à côté de cela (je le voyais clairement), je trouvais à faible dose l’instruction et le développement intellectuel que je m’étais promis de mon séjour à l’université, je devins peu à peu nonchalant et je négligeai les devoirs de société, les visites et les autres attentions, et je me serais écarté plus tôt de toutes ces relations sans la crainte et l’estime que m’inspirait le conseiller Bœhme et la confiance et l’affection qui m’attiraient vers sa femme. Par malheur, M. Bœhme n’avait pas l’heureux don de savoir s’y prendre avec les jeunes gens, de gagner leur confiance et de les diriger selon le besoin du moment. Je ne retirais jamais aucun avantage des visites que je lui faisais. Sa femme, au contraire, me montrait un véritable intérêt. Sa mauvaise santé la retenait à la maison. Elle m’invitait quelquefois à passer la soirée avec elle. J’avais de bonnes manières, mais non ce qu’on appelle proprement l’usage du monde : elle savait me diriger, me redresser, en divers petits détails de forme. L’ne btulu de ses amies passait les soirées chez elle, mais cette