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autant que le maître lui-même, et, en plus d’un endroit, il me paraissait éprouver de violents accrocs. Cependant les choses suivirent un cours assez régulier jusqu’aux approches du mardi gras, où, dans le voisinage du professeur Winkler, sur la place Saint-Thomas, les plus délicieux beignets, sortant de la poêle juste à l’heure de la leçon, nous attardèrent si fort, que nos cahiers en devinrent fort légers, et, vers le printemps, finirent par se fondre et se dissiper avec la neige.

Les leçons de droit allèrent bientôt tout aussi mal, car je savais déjà tout ce que le professeur jugeait à propos de nous enseigner. Mon application persévérante à écrire sous sa dictée se ralentit peu à peu, parce que je trouvais fort ennuyeux dénoter encore une fois ce que j’avais répété assez souvent avec mon père, par demandes et par réponses, pour le graver à jamais dans ma mémoire. Le mal que l’on fait en menant trop loin les jeunes gens dans les collèges, pour certaines connaissances, s’est développé plus encore dans la suite ; on prend sur le temps et sur l’attention que réclament les exercices de langues et toutes les véritables études préparatoires, pour les occuper de ce qu’on nomme études réelles, qui les distraient plus qu’elles ne les forment, si elles ne sont pas exposées d’une manière complète et méthodique.

Je signalerai ici en passant un autre mal dont les étudiants ont beaucoup à souffrir. Les professeurs, pas plus que les autres fonctionnaires de l’État, ne peuvent être tous du même âge : or, comme les jeunes n’enseignent proprement que pour apprendre, et que, de plus, s’ils sont bien doués, ils devancent l’époque, il en résulte qu’ils se développent absolument aux dépens de leurs auditeurs, à qui l’on n’enseigne pas les choses dont ils ont vraiment besoin, mais celles que le professeur trouve nécessaire d’approfondir pour lui. En revanche, parmi les vieux professeurs, plusieurs sont dès longtemps stationnaires ; l’ensemble de leur enseignement n’offre que des vues immobiles, et le détail, beaucoup de choses que le temps a déjà condamnées comme inutiles et fausses. Il résulte de ces deux circonstances un malheureux conflit, dans lequel les jeunes esprits sont tiraillés à droite et à gauche, et auquel peuvent remédier à peine les professeurs de moyen âge, qui, suffisamment in-