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Ni mon âge ni la presse du moment ne me permettaient de faire beaucoup de réflexions. Je m’efforçai de tout observer du mieux possible ; et, quand on servit le dessert, les ambassadeurs étant rentrés pour faire leur cour, je cherchai le grand air, et j’allai dans le voisinage, chez de bons amis, me refaire du demi-jeune de la journée, et me préparer à l’illumination du soir. Cette brillante soirée, je me proposais de la célébrer d’une manière sentimentale : j’étais convenu d’un rendez-vous, pour l’entrée de la nuit, avec Marguerite, avec Pylade et sa bien-aimée. Déjà la ville brillait de toutes parts, quand je rencontrai mes amis. J’offris mon bras à Marguerite ; nous passâmes d’un quartier à un autre, et nous nous trouvions très-heureux ensemble. Les cousins avaient été d’abord de la compagnie, mais ils se perdirent plus tard dans la foule. Devant les maisons de quelques ambassadeurs, où l’on avait arrangé des illuminations magnifiques (celui de l’électeur palatin s’était surtout distingué), il faisait aussi clair qu’en plein jour. Pour n’être pas reconnu, je m’étais un peu déguisé, et Marguerite ne le trouva pas mauvais. Nous admirâmes les brillantes décorations de tout genre et les magiques édifices de flammes, où les ambassadeurs avaient voulu se surpasser à l’envi. Cependant l’illumination du prince Esterhazy éclipsa toutes les autres. Notre petite société fut ravie de l’invention et de l’exécution, et nous voulions tout admirer en détail, quand les cousins nous rejoignirent et nous parlèrent de l’illumination magnifique dont l’ambassadeur de Brandenbourg avait décoré son quartier. Nous ne craignîmes pas de faire le long trajet du Rossmarkt au Saalhof, mais nous trouvâmes qu’on s’était indignement joué de nous. Le Saalhof est, du côté du Mein, un édifice remarquable et régulier, mais la façade qui regarde la ville est très-vieille, irrégulière et sans apparence. De petites fenêtres, qui ne sont ni de même forme ni de même grandeur, ni rangées sur la même ligne, ni également espacées, des portes sans symétrie, un rez-de-chaussée transformé presque tout entier en boutiques, offrent un aspect de confusion qui n’attire jamais l’attention de personne. Or, on avait suivi l’architecture aventureuse, irrégulière, décousue, et l’on avait entouré de lampes chaque fenêtre, chaque porte, chaque