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à décrire avec plus de détail, était assez magnifique et assez imposante pour faire pressentir à l’imagination d’un homme d’élite l’arrivée d’un grand maître du monde, annoncé par les prophéties. Nous aussi, nous avions été vraiment éblouis. Mais notre impatience fut au comble, lorsqu’on annonça que l’empereur et le roi futur approchaient de la ville. A quelque distance de Sachsenhausen, on avait dressé une tente, dans laquelle tous les magistrats attendaient, pour rendre au chef suprême de l’Empire les honneurs qui lui étaient dus, et lui présenter les clefs de la ville. Plus loin, dans une belle et vaste plaine, s’élevait une autre tente, une tente de parade, où tous les électeurs et les délégués se transportèrent pour recevoir les majestés, tandis que leur escorte se déployait tout le long du chemin pour se remettre peu à peu en marche vers la ville, chacun à son rang, et prendre dans le cortège la place convenable. Enfin l’empereur arriva en voiture devant la tente ; il y entra, et, après lui avoir fait la réception la plus respectueuse, les électeurs et les ambassadeurs prirent congé de lui pour ouvrir la voie, suivant l’ordonnance, au maître souverain. Nous autres, nous étions restés dans la ville pour admirer, dans l’intérieur des murs et dans les rues, cette magnificence, mieux que nous n’aurions pu faire en pleine campagne ; la haie formée dans les rues par les bourgeois, l’affluence du peuple, les facéties et les incongruités de tout genre dont nous étions témoins par intervalles, nous divertirent fort bien, jusqu’au moment où le bruit des cloches et du canon nous annonça l’arrivée du souverain. Ce qui devait surtout réjouir un bourgeois de Francfort, c’est que, dans cette occasion, en présence, de tant de souverains ou de leurs représentants, la ville impériale de Francfort apparaissait aussi comme un petit souverain ; car son écuyer ouvrait la marche ; à sa suite venaient des chevaux de selle, avec des housses armoriées, où l’aigle blanc en champ de gueules se présentait fort bien ; puis des domestiques et des serviteurs, des timbaliers et des trompettes, des délégués du sénat, accompagnés de serviteurs à pied, portant la livrée de la ville. A la suite, marchaient les trois compagnies de cavalerie bourgeoise, très-bien montées, les mêmes que nous avions vues, dès notre enfance, aller à la rencontre de