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ville, à cause des visites faites et rendues désormais avec le plus grand cérémonial. Mais ce qui m’intéressa particulièrement, comme bourgeois de Francfort, et me fit beaucoup réfléchir, ce fut la cérémonie du serment de sûreté, que le conseil, la troupe, la bourgeoisie, prêtèrent, non point par des représentants, mais en personne et en masse : premièrement, dans la grande salle du Rœmer, la magistrature et les officiers supérieurs, puis, dans la grande place (le Rœmerberg), toute la bourgeoisie, selon ses diverses classes, ses degrés et ses quartiers, enfin le reste de la troupe. Là on put voir d’un coup d’œil toute la communauté rassemblée dans le but honorable de promettre la sûreté au chef et aux membres de l’Empire et une inviolable tranquillité pendant le grand acte qui allait s’accomplir. L’électeur de Trêves et celui de Cologne étaient aussi arrivés en personne. La veille de l’élection, tous les étrangers doivent sortir de la ville ; les portes sont fermées, les juifs, claquemurés dans leur rue, et le bourgeois de Francfort n’est pas peu flatté de pouvoir demeurer seul témoin d’une si grande solennité.

Jusque-là tout s’était passé d’une manière assez moderne ; les grands personnages de tout ordre ne parcouraient la ville qu’en voiture : maintenant nous allions les voir à cheval, selon l’usage antique. Le concours et la presse étaient extraordinaires. Je sus me faufiler dans le Rœmer, que je connaissais comme une souris connaît le grenier domestique, jusqu’à ce que je fusse parvenu à l’entrée principale, devant laquelle les électeurs et les ambassadeurs, qui étaient arrivés en voiture de parade et s’étaient rassemblés en haut, devaient monter à cheval. Les coursiers magnifiques, bien dressés, portaient des housses richement brodées et toute sorte d’ornements. L’électeur Emmeric-Joseph, bel homme, aux manières agréables, était fort bien à cheval. Je me souviens moins des deux autres, mais seulement que ces manteaux de princes, rouges et fourrés d’hermine, que nous n’étions accoutumés à voir qu’en tableaux, nous parurent très-romantiques en plein air. Les délégués des électeurs séculiers absents nous charmèrent aussi avec leurs habits à l’espagnole, en drap d’or, brodés d’or, richement garnis de galons d’or ; les grandes plumes flottaient surtout magnifiquement sur les chapeaux retroussés à la manière d’autrefois. Mais ce qui ne