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Chez mon grand-père et les autres conseillers dont je fréquentais les maisons, on était assez mal à son aise ; c’était une grande occupation que de recevoir ces nobles hôtes, de les complimenter, de leur offrir les cadeaux d’usage. D’ailleurs le magistrat avait toujours à se défendre, à résister et à protester, en général comme en particulier, parce que, dans ces occasions, chacun cherche à lui retrancher quelque chose, à lui imposer quelque charge, et qu’un bien petit nombre de ceux auxquels il s’adresse lui prêtent secours et assistance. En un mot, je voyais alors de mes yeux ce que j’avais lu dans la chronique de Lersner, des cas semblables dans des occasions semblables, en admirant la patience et la longanimité de ces bons conseillers.

C’est encore une source de nombreux ennuis que la ville se remplisse peu à peu de gens utiles et inutiles. Vainement elle fait rappeler aux princes les statuts de la bulle d’or, tombée, il est vrai, eh désuétude. Non-seulement les délégués et leur suite, mais bien des personnes de condition ou de simple état, qui viennent par curiosité ou dans un but particulier, ont des protections, et la question de savoir qui doit être hébergé ou se louer lui-même un logement n’est pas toujours décidée du premier coup. Le tumulte s’accroît, et ceux mêmes dont on n’exige rien et qui n’ont à répondre de rien, commencent à se sentir mal à leur aise. Les jeunes gens eux-mêmes, qui pouvaient tout voir, ne trouvaient pas toujours pour leurs yeux et leur imagination une pâture suffisante. Les manteaux espagnols, les grands chapeaux à plumes des ambassadeurs, et ça et là quelques détails encore donnaient bien à la chose un air antique ; mais tant d’autres étaient à moitié ou tout à fait modernes, qu’on ne voyait partout qu’une bigarrure peu satisfaisante, souvent même de mauvais goût. Nous fûmes donc très-heureux d’apprendre qu’on faisait de grands préparatifs pour la venue de l’empereur et du roi futur ; que les travaux du collège des électeurs, auxquels la dernière capitulation électorale servait de base, avançaient rapidement, et que l’élection était fixée au 27 mars. Alors on songea à faire venir de Nuremberg et d’Aix-la-Chapelle les insignes impériaux, et l’on attendait l’entrée prochaine de l’électeur de Mayence, tandis qu’on était encore aux prises avec son ambassade au sujet des logements.