Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des degrés marquants de développement intérieur, tout comme on y voit prédominer certaines maximes, certaines convictions morales et esthétiques temporaires. Mais, en somme, ces productions restent toujours incohérentes ; souvent même on aurait peine à croire qu’elles soient émanées du même auteur.

« Cependant vos amis n’ont pas renoncé aux recherches, et, plus familiarisés avec votre manière de vivre et de penser, ils s’efforcent de deviner mainte énigme, de résoudre maint problème ; une ancienne affection et des relations qui datent de loin leur font même trouver quelque charme dans les difficultés qu’ils rencontrent. Cependant nous ne serions pas fâchés d’obtenir ça et là un secours que vous ne pouvez, ce me semble, refuser à notre amitié.

« Avant tout, nous vous demanderons de vouloir bien nous présenter dans un ordre chronologique vos poésies, qui sont rangées, dans la nouvelle édition, d’après certains rapports intimes, et de nous révéler, dans un enchaînement déterminé, les circonstances et les sentiments qui vous les ont inspirées, les exemples qui ont agi sur vous, enfin les principes théoriques que vous avez suivis. Si vous prenez cette peine pour quelque- : amis, il en résultera peut-être une chose utile et agréable pour un monde plus étendu. Un auteur, fût-il arrivé à la plus grande vieillesse, ne doit pas renoncer à l’avantage de s’entretenir, même de loin, avec les personnes qui se sont attachées à lui ; et, s’il n’est pas donné à chacun de se signaler encore, à un certain âge, par des productions inattendues et d’un effet puissant, à l’époque où les connaissances deviennent plus complètes, où l’on a de soi-même une conscience plus claire, ce lui serait une occupation très-propre à l’intéresser et à lui rendre une vie nouvelle, de reprendre comme sujet d’étude ses anciennes productions, et d’en faire un travail définitif, qui serait un nouveau moyen de culture pour les personnes formées autrefois avec l’artiste et par son influence. »

Ce vœu, exprimé d’une manière si amicale, éveilla immédiatement chez moi le désir de m’y conformer. Car, si, dans nos jeunes années, nous suivons avec ardeur notre propre voie, et si, pour ne pas être déroutés, nous repoussons avec impatience