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vues élevées, mais toujours d’une application immédiate, comme il faudrait certainement et inévitablement en user.

Lucidor avait achevé ses classes dans cet esprit ; son père et son protecteur l’avaient préparé à fréquenter l’université. Il montrait en tout les plus beaux talents, et la nature l’avait disposé si heureusement, que, par amour pour son père, par-reconnaissance pour son ami, il voulut donner à ses facultés la direction même qu’on lui désignait, ce qu’il .fit d’abord par obéissance, puis par inclination. Il fut envoyé dans une université étrangère, et ses lettres particulières, ainsi que le témoignage de ses maîtres et de ses surveillants, prouvèrent qu’il y suivait la marche qui devait le conduire au but. Seulement, on ne pouvait l’approuver d’avoir montré dans quelques occasions une bravoure un peu trop bouillante. Là-dessus, le père secouait la tête ; le grand bailli souriait. Qui n’aurait désiré avoir un tel fils ?

Cependant Julie et Lucinde grandissaient : Julie, la cadette, espiègle, aimable, inconstante, de l’humeur la plus agréable ; Lucinde, difficile à caractériser, parce qu’elle offrait le modèle de la droiture et de la pureté que nous désirons trouver chez toutes les femmes. On se visitait mutuellement, et Julie trouvait dans la maison du professeur d’inépuisables sources d’amusements.

La géographie, qu’il savait animer par la topographie, était du domaine de ce savant ; dès que Julie avait attrapé un de ces volumes, sortis des presses deHomann, et qui se trouvaient là en foule, elle passait en revue les différentes villes, les jugeant, préférant celles-ci, rebutant celles-là ; les ports de mer étaient surtout l’objet de sa faveur ; les autres villes voulaientelles obtenir d’elle quelque approbation, il fallait qu’elles prissent la peine-de se distinguer par de nombreux clochers, coupoles et minarets.

Son père la laissait passer des semaines chez l’ami qui avait toute sa confiance ; elle faisait réellement des progrès en savoir et en intelligence, et connaissait passablement la terre habitée, ses principales relations, ses objets et ses lieux les- plus remarquables. Elle était aussi fort attentive aux costumes des nations étrangères, et, quand son vieil ami lui demandait parfois en