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Maintenant, comme notre ami, nous sentons, avec un vif chagrin, approcher l’heure du départ, et nous voudrions nous faire une idée claire des singularités de son digne hôte et des bizarreries de cet homme extraordinaire. Mais, pour l’apprécier justement, nous devons diriger notre attention sur l’origine et le développement de cet honorable vieillard. Voici les renseignements que nous avons pu recueillir.

Son grand-père fut attaché à- une ambassade en Angleterre, pendant les dernières années de Guillaume Penn. La noble bienveillance, les intentions pures, l’infatigable activité de-ce grand homme, les luttes qu’il eut, en conséquence, à soutenir avec le monde, les dangers et les tourments sous lesquels il semblait succomber, éveillèrent dans le cœur affectueux du jeune homme le plus sérieux intérêt : il s’associa à l’entreprise, et finit même par se rendre en Amérique. Le père de notre vieillard naquit à Philadelphie, et tous deux se glorifiaient d’avoir contribué à fonder dans les colonies l’entière liberté des cultes.

C’était l’application de la maxime qu’une nation isolée, où règne l’uniformité des mœurs et des croyances-religieuses, doit bien se garder de toute influence étrangère, de toute innovation, mais que là où l’on veut appeler et rassembler sur un sol nouveau beaucoup de gens venus de toutes parts, il faut laisser une activité illimitée à l’industrie, et permettre le libre développement des idées morales et religieuses.

Au commencement du xvme siècle, l’es esprits étaient vivement portés vers l’Amérique, parce que tout homme qui se sentait mal à l’a’ise en Europe espérait trouver la liberté sur l’autre bord : cet élan était entretenu par l’espérance des belles possessions qu’on pouvait obtenir, avant que la population se fût étendue vers l’Occident. De vastes territoires,-sous le nom de comtés, étaient encore à vendre aux limites des terres habitées. Le père de noire vieillard s’y était fait lui-même un établissement considérable.

Mais les sentiments des fils sont souvent en opposition avec ceux des pères, et cela se vit encore dans cette occasion. Le * jeune hommet envoyé en Europe, s’y trouva dans un monde tout nouveau pour lui : cette inestimable civilisation, née depuis