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temps passé ; autrement, je ne les admets point. Les traditions écrites sont surtout examinées avec le plus grand soin, car je crois bien que le moine a écrit la chronique, mais les choses dont il témoigne, j’y crois rarement. »

Enfin le vieillard présenta à Wilhelm une feuille de papier blanc, en le priant d’y tracer quelques lignes, mais sans signature, puis il ouvrit une portière et le laissa retourner dans la salle, où Wilhelm retrouva le concierge, qui lui dit :

« Je suis charmé que mon maître ait pour vous tant d’estime. 11 suffit, pour m’en convaincre, qu’il vous fasse sortir par cette porte. Mais savez-vous pour qui il vous prend ? Il croit que vous êtes un instituteur pratique ; il soupçonne que l’enfant est d’une illustre maison, et confié à votre direction, pour apprendre de bonne heure, et par principes, à se faire une juste idée du monde et de ses divers états.

— Il me fait trop d’honneur, dit Wilhelm, mais je mettrai à profit ces paroles. »

A déjeuner, il trouva son Félix déjà empressé auprès des dames, qui exprimèrent le vœu, puisqu’on ne pouvait le retenir plus longtemps, qu’il se rendit chez leur noble tante Macarie, et peut-être, de là, auprès du cousin, pour éclaircir cette bizarre irrésolution : il deviendrait par là un membre de la famille, leur rendrait à tous un service essentiel, et entrerait, sans beaucoup de préliminaires, en relations intimes avec Lénardo.

« Où qu’il vous- plaise de m’envoyer, répondit Wilhelm, j’irai volontiers. Je voyage pour observer et méditer : j’ai vu et appris auprès de vous plus que je n’osais espérer, et je suis persuadé que, sur la route où vous me dirigez, ce que je verrai, ce que j’apprendrai, dépassera mon attente.

— Et toi, charmant vaurien, qu’apprendras-tu ? » dit Hersilie. A quoi l’enfant répondit hardiment :

  • J’apprendrai à écrire, afin de pouvoir t’envoyer de mes lettres, et à monter à cheval mieux que personne, afin de revenir toujours bien vite auprès de toi. »

Là-dessus Hersilie devint pensive et se dit :

« Je ne fus jamais heureuse avec les adorateurs assortis à mon âge : il semble que la génération suivante veuille bientôt m’en dédommager. »