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Vous m’avez accompagné, sans entendre parler de moi, et peutêtre n’éles-vous pas curieuse d’en savoir davantage. Mais moi, il m’est extrêmement nécessaire d’apprendre, par l’effet de votre complaisance, ce qui se passe dans notre famille, au sein de laquelle je me dispose à rentrer. Je voudrais, en vérité, revenir des terres étrangères comme un étranger, qui, pour être agréable, commence par s’informer de ce qu’on veut et de ce qu’on désire dans la maison, et ne se figure pas qu’on doive le recevoir à sa guise, pour l’amour de ses beaux yeux ou de sa belle chevelure. Parlez-moi donc du bon oncle, des chères nièces, de vous-même, de nos parents proches et éloignés, même de nos anciens et nouveaux serviteurs. Enfin, laissez courir une fois sur le papier, ën faveur de votre neveu, votre plume exercée, que vous n’avez pas trempée pour lui dans l’encre depuis si longtemps. Votre réponse instructive sera aussi la lettre de crédit avec laquelle je me présenterai, aussitôt que je l’aurai reçue. Ainsi donc, il dépend de vous de me voir dans vos bras. On change beaucoup moins qu’on- ne croit, et, généralement, les circonstances demeurent aussi à peu près les mêmes. Ce n’est pas ce qui a changé, mais ce qui est demeuré, ce qui s’est accru ou qui a déchu peu à peu, que je veux reconnaître tout d’un coup, et me revoir moi-même dans un miroir connu. Je salue affectueusement tous les nôtres, et je vous prie de croire qu’il y a dans la bizarrerie de mes délais et de mon retour autant de chaleur d’âme, qu’il s’en trouve peu quelquefois dans les plus assidus témoignages d’intérêt et dans les plus actives communications. Mille salutations à chacun et à tous.

P. S. N’oubliez pas, chère tante, de me dire un mot de nos gens, de nos justiciers, de nos fermiers. Qu’est devenue Valérine, la fille du fermier, que notre oncle renvoya, à juste titre, il est vrai, mais, à mon sens, avec quelque dureté, peu de temps avant mon départ ? Vous voyez que je me souviens encore de bien des choses : vraiment, je n’ai rien oublié. Vous pourrez m’examiner sur le passé, quand vous m’aurez mis au fait du présent.