Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée


Wilhelm voulait s’élancer de la voiture ; Juliette s’y opposa.

« Vous voyez qu’on est allé à son aide, et, chez nous, la règle, en pareil cas, est que celui qui peut porter du secours doit seul quitter sa place.

— Oui, dit Hersilie, en retenant son cheval : on a rarement besoin de médecins, de chirurgiens à chaque instant. »

Déjà Félix accourait à cheval, la tête bandée, tenant toujours à la main et montrant bien haut son butin florissant. Il offrit le bouquet, avec une satisfaction secrète, à la dame de ses pensées, qui lui donna en échange un léger fichu aux brillantes couleurs.

« Ce bandeau blanc ne te va pas bien, lui dit-elle : celui-ci sera plus gai. »

On revint au château sans inquiétude, mais doucement ému. Il était tard : on se sépara avec l’agréable espérance de se revoirie lendemain ; mais les lettres que nous donnons ici tinrent, quelques heures encore, Wilhelm éveillé et pensif.

Lénardo à la tante.

Enfin, ma chère tante, vous recevrez une lettre de moi au bout de trois ans, selon nos conventions, qui étaient, je l’avoue, assez singulières. Je voulais voir le monde, me livrer entièrement à lui, et, pendant ce temps, je voulais oublier la patrie que j’avais quittée et où j’espérais revenir. Je désirais garder l’impression- tout entière, et n’être pas troublé par les détails dans les pays lointains. Cependant nous avons échangé de temps en temps les signes de vie nécessaires. Vous m’avez envoyé de l’argent, et je vous ai fait parvenir de petits cadeaux pour la famille. Aux objets que j’envoyais, vous pouviez juger de ma situation et des lieux où je me trouvais. Les vins ont sans doute fait deviner, chaque fois, à mon oncle les pays que je visitais ; les dentelles, les objets de fantaisie, la quincaillerie, ont marqué pour les dames ma route par lé Brabant, Paris et Londres, et je retrouverai sur vos tables à écrire, sur vos chiffonnières et vos tables à thé, dans vos négligés et vos habits de fête, bien des souvenirs, auxquels je pourrai rattacher mes récits de voyage.