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« Ma sœur, dit Hersilie, sait les expliquer toutes ; elle peut rivaliser avec le concierge ; moi, je trouve qu’on peut les retourner toutes, et qu’elles en sont tout aussi vraies et peut-être davantage.

— Je ne cacherai pas, dit Wilhelm, qu’il se trouve, dans le nombre, des maximes qui semblent se détruire elles-mêmes. J’ai été surpris, par exemple, de lire : Propriété Et Communauté De Biens ! Ces deux idées ne sont-elles pas contradictoires ?

— Je suppose, dit vivement Hersilie, que notre oncle a pris ces inscriptions des Orientaux, qui lisent, sur toutes les murailles, des versets du coran, qu’ils vénèrent plus qu’ils ne les comprennent. »

Sans se laisser distraire, Juliette répondit à Wilhelm : « Développez ces deux mots, et le sens ressortira aussitôt. » Après quelques digressions, Juliette poursuivit l’explication commencée.

« Chacun désire améliorer, conserver, augmenter la propriété qu’il a reçue de la nature, de la fortune ; il s’étend autour de lui, avec toutes ses facultés, aussi loin qu’il est capable d’atteindre ; mais il se demande sans cesse comment il laissera les autres hommes prendre part à ses biens, car les riches ne sont estimés qu’autant que les autres jouissent de leur opulence. »

On chercha des exemples, et, cette fois, notre ami se trouva sur son terrain ; on se piqua d’émulation, on enchérit les uns sur les autres, pour reconnaître la vérité de ces mots laconiques. Pourquoi, disait-on, le prince est-il honoré, sinon parce qu’il peut provoquer, encourager, favoriser l’activité de chacun, et lui faire part, en quelque façon, de sa puissance absolue ? Pourquoi tous les yeux se tournent-ils vers le riche, sinon parce qu’il a le plus de besoins, et qu’il cherche partout des gens avec lesquels il puisse partager son superflu ? Pourquoi tous les hommes envient-ils le poète ? Parce que sa nature l’oblige à se communiquer, que cette communication est sa nature même. Le .musicien est plus heureux que le peintre : il dispense en personne, et directement, des dons agréables . tandis que le peintre ne donne qu’après s’être séparé de l’objet.

On en vint ensuite à des considérations générales : quelle que