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conduite par des motifs inconnus, semble n’avoir eu d’autre objet que de s’épargner à elle et aux autres de sottes affaires, en prenant, dans cette situation difficile, un étrange expédient. Le fils la pressait, avec l’audace de son âge, et menaçait, selon l’usage, d’immoler sa vie pour l’inexorable. Le père, un peu moins fou, était néanmoins tout aussi pressant : tous deux étaient sincères. Cette aimable personne aurait pu aisément s’assurer une position méritée ; car MM. de Revanne déclarent l’un et l’autre qu’ils avaient l’intention de l’épouser.

Mais l’exemple de cette jeune fille peut apprendre aux femmes qu’une personne loyale, eût-elle même l’esprit troublé par la vanité ou par une véritable folie, n’entretient pas les blessures du cœur qu’elle ne veut pas guérir. La voyageuse se sentait réduite à une extrémité où il ne lui serait pas facile de se défendre longtemps ; elle était sous la dépendance de deux amants, qui pouvaient excuser chaque importunité par la pureté de leurs vues, car leur pensée était de justifier leur témérité par une solennelle union. Telle était sa position, et c’est ainsi qu’elle la comprenait.

Elle aurait pu se retrancher derrière Mlle de Revanne : elle y renonça, et ce fut sans doute par ménagement, par égard pour ses bienfaiteurs. Elle ne se déconcerte point ; elle imagine un moyen de les maintenir l’un et l’autre dans la vertu, en les faisant douter de la sienne. Elle est folle par fidélité, par une fidélité que sans doute son amant ne mérite pas, s’il ne sent pas tous les sacrifices qu’elle lui fait, dussent-ils même lui rester inconnus.

Un jour que M. de Revanne répondait un peu trop vivement à l’amitié, à la reconnaissance qu’elle lui témoignait, elle prit tout à coup des manières naïves qui l’étonnèrent.

  • Monsieur, votre bonté m’afflige ; souffrez que je vous en dise la raison avec franchise. Je le sens bien, c’est à vous seul que je dois toute ma reconnaissance, mais, à vous dire la vérité….

— Je vous comprends, cruelle ! Mon fils a touché votre cœur.

— Ah ! monsieur, il ne s’en est pas tenu là. Je ne puis exprimer que par ma confusion….

— Comment, mademoiselle ? vous seriez….