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rience militaire (il s’était déjà vu menacé plusieurs fois de périls qui avaient semblé inévitables), dit alors au maître de la ménagerie :

« Quelle garantie me donnez-vous, que, si nous épargnons votre lion, il ne portera pas dans le pays le ravage chez mes sujets ?

— Cette femme et cet enfant, répondit vivement le père, offrent de le calmer, de le contenir, jusqu’au moment où j’aurai voituré là-haut la caisse ferrée, afin que nous puissions l’emmener sans qu’il ait fait ni souffert aucun mal. »

Le petit garçon parut essayer sa flûte, qui était plutôt une sorte de hautbois : elle était à bec, comme le sifflet ; une personne exercée pouvait en tirer les sons les plus agréables. Cependant le prince avait demandé comment le lion était arrivé, et le garde répondit :

« Par le chemin creux, muré de part et d’autre, qui fut de tout temps, et qui doit être à l’avenir, le seul passage : nous avons ruiné de fond en comble deux autres sentiers par lesquels on pouvait arriver, et nul ne saurait atteindre que par ce premier passage étroit, le château magique sur lequel s’exercent l’esprit et le goût du prince Frédéric, pour en faire une merveille. »

Après un instant de réflexion, pendant lequel le prince observait l’enfant, qui n’avait pas cessé de faire entendre comme un doux prélude, il se tourna vers Honorio et lui dit :

« Tu as fait beaucoup aujourd’hui : achève ta journée ! Occupe le chemin creux ; tenez vos carabines prêtes, mais ne tirez pas, à moins que vous ne puissiez pas intimider et faire reculer l’animal : en tout cas, allumez un feu, pour l’effrayer s’il veut descendre. Que le mari et la femme se chargent du reste. »

Honorio se hâta d’exécuter les ordres du prince. L’enfant poursuivit sa mélodie, qui n’en était pas une, mais une succession de sons irréguliers, et, par cela même, peut-être plus saisissante. Les assistants paraissaient comme charmés par le mouvement d’une modulation chantante, quand le père se mit à dire avec un noble enthousiasme :

« Dieu a donné au prince la sagesse, et lui a fait connaître aussi que toutes les œuvres divines sont sages, chacune dans son espèce. Voyez le rocher, comme il est ferme et ne s’ébranle