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où la princesse était arrêtée à cheval : le cavalier se penche, tire, et, de son deuxième coup, transperce la tête du monstre, qui tombe aussitôt. Ce fut lorsqu’on le vit couché de toute sa longueur, qu’on put juger la force redoutable dont il ne restait plus que la masse gisante. Honorio avait sauté à bas de son cheval, et, le genou sur le tigre, il amortissait ses derniers mouvements, tenant à la main son couteau de chasse. Le jeune homme était beau ; il était accouru au galop, comme la princesse l’avait vu dans les joutes de lances et les courses de bagues : c’était ainsi qu’au manège, tandis qu’il passait au galop, sa balle frappait au milieu du front, sous le turban, la tête de Turc plantée sur le poteau ; c’était ainsi qu’en courant à bride abattue, il enlevait de terre, à la pointe du sabre, la tête de More ; il était heureux et adroit à tous ces exercices, ce qui vint alors très à propos.

« Donnez-lui son reste, dit la princesse : je crains qu’il ne vous blesse encore avec ses griffes.

— Pardon, madame, répliqua le jeune homme, il est assez mort comme cela, et je ne veux pas gâter la fourrure, qui doit briller l’hiver prochain sur votre traîneau.

— Point de bravade ! dit la princesse : tout ce qu’on a de piété dans le fond du cœur se déploie dans un pareil moment.

— Et moi aussi, dit Honorio, je ne me sentis jamais une piété plus fervente ; c’est pourquoi mon esprit s’arrête à la plus joyeuse pensée : je ne vois plus dans cette fourrure que son usage pour vos plaisirs.

— Elle me rappellerait toujours ce terrible moment.

— Est-il, repartit le jeune homme, avec la flamme au visage, est-il un plus innocent trophée, que de faire porter en triomphe devant le vainqueur les armes de l’ennemi tué ?

— Je me souviendrai de votre adresse et de votre courage, et je n’ai pas besoin d’ajouter que vous pouvez compter, pour la vie, sur ma reconnaissance et sur la faveur du prince. Mais levez-vous. L’animal est sans vie, songeons au reste. Avant tout, levez-vous.

— Puisque me voilà à genoux, dit le jeune homme, puisque je me trouve dans une attitude qui, de toute autre manière, me serait interdite, laissez-moi vous demander en ce moment l’as-