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l’idée la plus claire de ce remarquable monument des vieux âges. Ce matin encore, l’instrument faisait paraître d’une manière frappante les teintes d’automne répandues sur les arbres de tout genre qui, durant de longues années, avaient poussé sans trouble et sans obstacles entre les murs. Cependant la belle dame dirigea la lunette un peu plus bas, vers une plaine déserte et rocailleuse, que la chasse devait traverser : elle attendit ce moment avec patience et ne s’abusa point, car la netteté et la force de l’instrument permirent à ses beaux yeux de reconnaître parfaitement le prince et le grand veneur ; elle ne put même s’empêcher d’agiter encore son mouchoir, quand elle vit ou crut voir les chasseurs faire une courte halte et jeter un regard en arrière.

L’oncle Frédéric, s’étant fait annoncer, survint alors avec son dessinateur, qui portait sous le bras un grand portefeuille.

« Ma chère nièce, dit le vieux et robuste seigneur, nous vous apportons les vues du manoir de famille, que l’on a dessinées pour montrer, de divers côtés, comme ce puissant château fort a résisté, depuis des siècles, au temps et aux orages, et comme ses murailles ont dû toutefois céder ça et là, ça et là s’écrouler en affreuses ruines. Nous avons fait maints travaux pour rendre abordable ce lieu sauvage : il n’en faut pas davantage pour jeter dans l’étonnement, dans l’extase, tous les voyageurs et les touristes. »

Le prince poursuivit, en montrant les dessins l’un après l’autre :

« En cet endroit, où l’on monte par le chemin creux, entre les murs extérieurs d’enceinte, pour arriver devant le château proprement dit, s’élève devant nous un rocher des plus puissants de toute la montagne ; sur ce rocher, une tour est bâtie, mais nul ne saurait dire où la nature finit, où l’art et le travail de l’homme commencent. Plus loin, on voit des murs qui flanquent le côté, et des remparts qui descendent en forme de terrasses. Mais je ne m’exprime pas exactement, car c’est proprement un bois qui environne cet antique sommet. Depuis cent cinquante ans, la hache n’a point retenti dans ce lieu, et des arbres puissants se sont élevés de toutes parts. Où que l’on